Introduction :
Ce passage lance
véritablement le récit. Auparavant le roman a débuté sur un tableau de la cour
de France dans les dernières années du règne de Henri II. C’est dans un cortège
d’êtres d’exception, décrits de manière superlative et abstraite. La Princesse
de Clèves, personnage fictif, apparaît dans ce cadre réel et historique. Mme de
Lafayette connaît bien la Cour qu’elle décrit, et soumet aussi implicitement un
portrait de la Cour de son époque, celle de Louis XIV.
Aspects majeurs du
texte :
- La Princesse est
présentée au lecteur, puisqu’elle apparaît dans le récit : le narrateur en
dresse donc un portrait. Elle est en même temps présentée à la Cour. Elle
apparaît comme un être exceptionnel par sa beauté, et son rang.
- La Cour s’intéresse
principalement aux apparences, est superficielle.
- L’originalité du portrait réside dans le long passage réservé à l’éducation reçue par celle-ci, qui la distingue encore des autres jeunes femmes de la Cour.
Problématiques possibles :
* En quoi le portrait de la Princesse est-il original et souligne-t-il le caractère exceptionnel de la Princesse ?
* Comment le portrait de la Princesse met-il en avant des caractéristiques qui préparent la suite des événements du roman ?
* En quoi l'apparition de la Princesse à la Cour est-il le moment d'en dresser un portrait flatteur ?
Structure du
texte :
* l. 1-7
(« … revenir à la cour. ») : Arrivée de la Princesse à la
Cour ; indications sur sa beauté, son rang, les réactions à son arrivée.
* l. 7-19
(« Pendant cette absence… » -> fin du paragraphe) :
Explications sur son éducation.
* l. 20-21 (2ème paragraphe) :
Retour sur le début du texte (projets de mariage, rang).
Analyse
linéaire :
1) l.
1-7 : arrivée du personnage à la cour, introduction du personnage dans le
récit :
* L’arrivée
de la Princesse à la Cour est mise en valeur :
- du point de vue
narratif : emploi du passé simple (actions de 1er plan :
« parut », « attira », « donna ») ; emploi
de l’adverbe temporel « alors » (3è mot du paragraphe)
- en créant une forme
d’attente et de curiosité chez le lecteur : emploi du verbe « paraître »
en tête de paragraphe, suggérant presque un fait magique, irréel, qui ne peut
que susciter l’intérêt, la curiosité du lecteur. De plus, la Princesse n’est
pas nommée de suite : « une beauté » (l. 1) ; « une beauté
parfaite » (l. 2) ; « elle » (l. 2-3). Elle ne le sera
qu’indirectement par le nom de sa mère (l. 5). Il faudra attendre la ligne 24
pour qu’elle soit nommée directement.
* Elle se
définit par sa beauté (physique) : répétition de manière
rapprochée et dans la même phrase du même nom « beauté » (l. 1 &
2), le 2ème étant de plus accentué par un adjectif (« parfaite ») qui
crée une hyperbole flatteuse. L’hyperbole s’accentue puisqu’elle est comparée à
l’ensemble de la Cour dont on suggère que cette dernière est déjà peuplée de
personnes belles physiquement (« dans un lieu… belles
personnes » : l’adjectif « belles » est de la même famille
que « beauté » et y fait donc directement écho).
Notons la métonymie
qui la désigne en premier « une beauté » (l. 1) : elle se résume
à n’être que cela, ce qui accentue encore cette beauté physique supérieure.
* La réaction
de la Cour renforce encore ce caractère exceptionnel du personnage que
Mme de Lafayette cherche à imposer d’emblée :
- elle attire les
regards de tous : « attira les yeux de tous ». Le verbe dont le
sujet est « une beauté » montre que la Princesse agit sur ceux qui la
regardent ; le pluriel des « yeux » et de « tous » ne
laisse place à aucune exception dans le fait qu’elle est au centre de tous les
regards.
-
« l’admiration » (l. 2) de la Cour permet de souligner aux yeux du
lecteur combien cette Princesse est différente, supérieure aux autres
personnages déjà cités, qui pourtant semblaient, sous la plume de Mme de Lafayette,
déjà incroyables. Notons encore l’emploi du verbe « donna » dont le
sujet est encore une fois la Princesse (« elle ») qui, par sa beauté,
fait réagir les membres de la Cour. La cour ne peut admirer qu’une beauté
exceptionnelle, car déjà habituée aux femmes belles, ce que l’emploi de la
conjonction de cause « puisque » souligne, comme une évidence.
- la Cour apparaît
ainsi assez superficielle, attachée uniquement à l’aspect extérieur de la
Princesse : la métonymie « une beauté » (l. 1, répétée l. 2) peut
correspondre au regard de la cour sur elle. La proposition subordonnée de cause
(« puisqu’elle… » l. 2), qui exprime le regard admiratif de la cour,
est liée à la proposition principale qui exprime sa beauté.
* La
Princesse est ensuite définie par son rang social, et donc sa richesse :
elle appartient aux premières familles de France, à la très haute aristocratie
française : l’emploi du terme « maison » (l. 3) renvoie dans
l’histoire de France à ces grandes familles qui se sont partagé le pouvoir sur
le pays pendant des siècles. Il a été question avant l’extrait du vidame de
Chartres (l. 3-4), donc cette référence, par une comparaison (« de la même
maison que ») montre combien l’origine de la jeune femme est prestigieuse.
Immédiatement après, dans la même phrase, ce prestige est renforcé par un
superlatif (« une des plus grandes héritières de France » l. 4),
hyperbolique puisque la jeune femme se retrouve dans un groupe restreint de
femmes appartenant à l’élite de l’ensemble de la France. L’emploi du nom
« héritières » (l. 4) est encore une fois une référence au rang
social.
Notons l’apparition
de l’imparfait descriptif (« était » l. 2 & 3), qui correspond
bien au portrait qui est dressé du personnage.
* De la même
manière la Princesse va être définie de manière moins
élargie par ses parents : un portrait de personnage peut se
faire par le biais du milieu social mais aussi familial. L’emploi du
plus-que-parfait (lignes 4 à 7) signale un retour en arrière, bien avant
l’arrivée de la Princesse à la cour. C’est encore un moyen de mieux comprendre
le personnage de la Princesse au moment de ses 16 ans, en remontant dans son
passé personnel et familial. Ce retour en arrière est en partie narratif, comme
le soulignent l’emploi de connecteurs temporels : « après » l.
6 ; « pendant » l. 7, qui permettent de bien lier chaque nouvel
événement au précédent. Cela correspond aussi encore à la volonté de dresser un
portrait précis de cette Princesse.
- Le père est vite
écarté, par une rapide évocation de sa mort (l. 4).
- La mère est ensuite
présentée par son nom (« madame de Chartres » l. 5. La particule du
nom souligne encore le milieu de l’aristocratie), puis par une énumération de
trois noms très élogieux : « le bien, la vertu et le mérite »
(l. 5). Il s’agit d’insister ainsi sur les grandes qualités de Mme de Chartres.
On peut noter que le premier nom (« bien ») fait le lien avec ce qui
a été noté de la Princesse précédemment (« héritières » fait aussi
penser à la richesse), mais les deux autres sont plus personnels (« vertu » :
moralité ; « mérite » : efforts et réussite individuels).
On glisse donc d’aspects liés à l’étiquette, à une appartenance sociale (la
haute aristocratie une grande richesse) à une image plus personnelle, qui
montre que Mme de Chartres, au-delà de son rang, est et agit dans un cadre
considéré au XVIIè siècle (siècle moraliste) comme positif.
La fin de la phrase
crée encore une hyperbole, qui range aussi Mme de Chartres dans les êtres
d’exception : « extraordinaires » (mis en valeur par le pluriel,
et en fin de phrase). L’idée du narrateur est que les qualités exceptionnelles
de la mère renforcent aussi celles de la Princesse.
- Notons encore que
le caractère d’exception de la Princesse et de sa mère est aussi dû à cette
absence prolongée : quand on appartient à la cour comme Mme de Chartres,
on se doit de participer à cette vie sociale. Le Prince de Clèves le fera plus
tard remarquer à son épouse, qui se doit de paraître dans les clubs de la cour
plutôt que de s’en éloigner. Le double emploi de « plusieurs années »
et de « pendant cette absence », allié à la proposition infinitive de
sens négatif « sans revenir à la cour », insiste sur cette attitude
originale.
2) l.
7-19 : le portrait par l’éducation reçue :
* La parenthèse
ouverte par le retour en arrière se poursuit : on comprend que l’on va
nous rapporter ce qui s’est passé depuis les 16 dernières années, ce que les
compléments circonstanciel de temps « plusieurs années » (l. 6) et
« pendant cette absence » (l. 7 : en tête de phrase) soulignent.
Et immédiatement, le lien est fait avec ce qui va constituer le sujet des
10 lignes suivantes, jusqu’à la fin du paragraphe, « l’éducation » (l.7).
Et le retour à la Princesse est établi par le complément du nom « de sa
fille » (l. 7).
* Mme de
Chartres apparaît comme celle qui modèle sa fille, comme aussi
une femme volontaire, qui possède des convictions personnelles
fortes : elle est sujet de verbes à la voix active dans tout le passage,
de verbes qui montrent des actions (verbes : donner, travailler, faire, ce
dernier étant répété à plusieurs reprises).
* L’éducation choisie
pour sa fille se définit d’abord par son caractère original. Cette
éducation s’oppose ainsi à celles habituellement reçues par les jeunes
filles de l’aristocratie :
- « la plupart
des mères » (l. 9) s’oppose à la phrase suivante (« Madame de
Chartres avait une opinion opposée » l. 10-11). Cette opposition apparaît
au tout début de cette explication sur les principes éducatifs de Mme de
Chartres, ce qui montre l’importance de ce contraste pour le narrateur.
- l’emploi du verbe
« s’imaginent » (l. 9) vient également souligner la remise en
question (pour Mme de Chartres) de l’absence de conseils précis sur la
« galanterie », c’est-à-dire sur ce qui a trait à la séduction
amoureuse, aux relations amoureuses : le verbe montre l’illusion des mères
sur les conséquences du fait de ne pas parler d’amour à leurs enfants. Ce qui
est suggéré est que l’on a ici l’opinion de Mme de Chartres, ce que le terme
justement d’« opinion » à la ligne suivante vient confirmer.
- l’opposition
apparaît aussi de manière plus implicite lignes 8 & 9 : « pas
seulement » -> « aussi ». Cultiver l’esprit et la beauté
semblent effectivement la base classique de l’éducation des jeunes
aristocrates. Elles devaient être élégantes, bien présenter physiquement, et
avoir un peu de culture pour briller dans les conversations. L’ajout après le
point-virgule, renforcé par l’adverbe « aussi », se rapporte aux
choix éducatifs de Mme de Chartres : « vertu » (l. 9). Le terme
est important car il va définir la Princesse tout au long du roman.
* La méthode
éducative de Mme de Chartres passe par la répétition,
un discours franc à sa fille, un discours concret :
- l’opposition notée
ci-avant entre les principes éducatifs des autres mères et ceux de Mme de
Chartres apparaît aussi par la négation forte l. 10 (« ne parler
jamais ») et l’emploi de l’imparfait de répétition dans la suite du texte
(« faisait » l. 11, « montrait » l. 12, « contait »
l. 13, « faisait voir » l. 14 & 17), ainsi que par l’adverbe
« souvent » (l. 11) ou le pluriel « des peintures de
l’amour » (l. 11). Mme de Chartres ne se contente pas de parler d’amour
une seule fois à sa fille, elle lui en parle régulièrement afin que celle-ci
retienne et s’imprègne de ces principes.
- Mme de Chartres
souhaite que cette éducation soit concrète, visuelle comme auditive : la
référence picturale « des peintures de l’amour » (l. 11) ou les
verbes « montrait » (l. 12) et « faisait voir » (l. 14
& 17) se rapportent à une image visuelle des comportements notamment
masculins ; le verbe « contait » laisse entendre des récits, des
exemples concrets d’irrespects de certains principes moraux, comme pour une
fable qui permet de comprendre et imaginer clairement une situation, et aboutit
ensuite à une morale de sens plus abstrait.
- les détails donnés
sur les hommes montrent encore que Mme de Chartres parle franchement et
précisément à sa fille : voir l’énumération des lignes 13-14.
- la franchise de Mme
de Chartres l’amène à surenchérir : si respecter les principes de vertu
est profitable (voir l’analyse un peu plus loin ci-dessous), cela n’est pas
aisé. Sa fille doit s’attendre à devoir se battre. Contre qui ? Elle-même.
La difficulté est soulignée : « combien il était difficile »
(l. 17) ; « extrême défiance de soi-même » (l. 18), l’adjectif
mettant en place une hyperbole accentuant encore la complexité du respect des
principes moraux enseignés. Le « grand soin » (l. 18) montre encore
que la tâche nécessite un travail, des efforts continuels.
- pour que le lecteur
soit aussi pleinement attentif à ces principes, Mme de Lafayette a opté pour ce
qui ressemble à des paroles rapportées au discours narrativisé, puis indirect.
On croit entendre parler la mère, assister aux leçons données à la
Princesse : l’enchaînement des propositions principales et subordonnées le
montre : « Mme de Chartres avait une opinion opposée » (l. 9-10)
+ 3 propositions principales et subordonnées (l. 11-14) ; « et elle
lui faisait voir » (l. 14) + deux propositions subordonnées (l.
15-16) ; « mais elle lui faisait voir aussi » (l. 16-17) +
proposition subordonnée (l. 17-19).
* Mme de Chartres
souhaite que les principes enseignés soient pleinement acceptés par sa fille,
et non une contrainte ou un enseignement extérieur auquel sa fille ne
souscrirait pas.
- ceci est indiqué
d’emblée, avant même de détailler les principes et le contenu de l’éducation
reçue par la Princesse : « donner de la vertu et à la lui rendre aimable »
(l. 9) : la reprise par les pronoms « la lui » ajoute, précise
le contenu moral reçu. En effet, le but est donc que la Princesse soit d’accord
avec les principes de vertu enseignés, ce que l’adjectif « aimable »
suggère (le terme est de la même famille que le verbe « aimer »). Le
verbe « rendre » suppose une présentation particulière des principes
moraux enseignés, afin qu’ils ne paraissent pas trop abrupts, durs à être
acceptés.
- cette manière de
procéder et cet objectif est reprise ensuite : « la persuader »
(l. 12) suppose une argumentation, et non des principes imposés et appris par
cœur sans discussion. Le verbe « persuader » indique aussi que Mme de
Chartres joue non seulement sur la raison, mais aussi sur les sentiments, l’argumentation
sans émotion pouvant se révéler parfois sèche et indigeste. La répétition de
« faire voir » montre encore qu’il ne s’agit pas d’en rester à
quelques phrases générales, mais qu’elle passe du temps à donner des
explications précises, développées, à sa fille.
* L’image des
hommes et de l’amour proposée par Mme de Chartres est peu reluisante :
- elle oppose le
caractère « agréable » (l. 12) (= plaisir, terme mélioratif) et son
caractère « dangereux » (l. 13) (conséquences possibles désastreuses,
terme péjoratif), le balancement se faisant par les verbes qui se répondent
l’un à l’autre (« montrait » -> « persuader »).
- les
« hommes » (l. 13) sont considérés dans leur totalité par ce pluriel.
Il ne semble donc pas y avoir d’exception. L’énumération de groupes nominaux
(« le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur
infidélité » l. 13-14) met en valeur combien Mme de Chartres pense que sa
fille soit s’en méfier. Le pluriel de « tromperies », comme les
singuliers à valeur universelle (« le peu de sincérité » ;
« leur infidélité ») a le même effet : donner à sa fille une
image négative et repoussante des hommes afin de protéger sa fille.
- pour que sa fille
comprenne, elle lui énonce les conséquences d’un engagement irréfléchi avec un
homme : « les malheurs domestiques » (l. 14). Ici encore, le
pluriel laisse entendre à la jeune princesse que le risque est grand et peut se
répéter, peut être durable. « plongent » suppose une immersion
totale, donc une noyade possible, en suivant la métaphore suggérée par le terme.
* Par contre, la
femme « honnête » est mise en valeur :
- le terme
« honnête » est à comprendre dans le sens du respect des règles de
vertu : pas de relation fugace et rapidement consentie avec un
homme ; fidélité à l’époux une fois mariée. Cela peut aussi faire penser à
« l’honnête homme » du XVIIè siècle, qui se maîtrise en permanence,
ne se laisse pas aller à ses sentiments, est un être de raison.
- la vertu est liée
par Mme de Chartres aux termes mélioratifs « éclat » et
« élévation », puisque « la vertu » est sujet du verbe et
les deux autres noms en sont compléments. Ces deux noms suggèrent une attention
au regard social porté sur la femme : l’éclat suppose la lumière, ce qui
est visible, et admiré ; l’élévation est l’image positive renvoyée aux
autres. Le poids des conventions, du regard de la cour est ici rappelé
implicitement. C’est aussi pour Mme de Chartres un moyen de persuader sa fille
se suivre ses préceptes, en montrant les conséquences positives d’une attitude
prude, ce qui s’oppose aux conséquences négatives de la dépravation (selon les
principes moraux de l’époque) qui mènent aux « malheurs ».
* Mme de
Chartres ne propose pas vraiment le bonheur à sa fille, mais l’absence de
souffrances :
- l’opposition est
encore une fois un moyen pour Mme de Chartres de convaincre sa fille :
après l’énumération des conséquences négatives d’engagements auprès des hommes,
elle enchaîne après un point-virgule et l’emploi de la conjonction de
coordination « et » (l. 14), appuyée par le connecteur logique
« d’un autre côté » (l. 15), avec le terme de
« tranquillité » (l. 15). Ce nom est important (il répond à
« malheurs ») : plus que le bonheur, il faut viser le repos de
l’âme, l’absence de souffrances, ce que la Princesse fera en se retirant de la
cour.
- elle utilise malgré
tout le terme de « bonheur » (l. 19), lié au groupe nominal
« une femme » qui montre encore une volonté de généraliser. Mais on
aura compris qu’ici, le bonheur n’est pas celui d’une passion amoureuse
débordante et dévorante.
- la fin du
paragraphe résonne comme l’objectif final des discours de Mme de Chartres à sa
fille : « ce qui seul » (l. 18) marque un caractère exclusif, la
seule issue possible pour l’union d’un homme et d’une femme. Il est à noter que
cette proposition précède l’énoncé de la vérité finale (« aimer son mari
et […] en être aimée » (l. 19), comme pour la faire attendre un peu, et
pour la mettre en valeur en fin de paragraphe et en fin d’explications des
principes de Mme de Chartres. Le choix du présent de vérité générale
« est » (l. 19) souligne encore que ceci est la conclusion de Mme de
Chartres : la fidélité à l’époux, l’amour mutuel (donc en dehors de
relations extraconjugales) est ce qui apporte le bonheur. Il va donc falloir
que la princesse, arrivant à la cour, et qui va être très courtisée (ce que le
paragraphe suivant va confirmer), se montre méfiante et passe du temps à bien
choisir son époux. La répétition du verbe « aimer » montre bien que
Mme de Chartres envisage la relation amoureuse par les deux époux, et non
seulement par la femme. Les termes précédents de « grand soin » et
« s’attacher » (l. 18) indiquent toutefois que le rôle de l’épouse
est de faire des efforts pour se faire aimer, pour éviter que le mari n'ait la
tentation d’entamer une relation en dehors du mariage : c’est une vision
propre au XVIIè siècle (et aux siècles qui suivent…).
3) l.
20-21 : suite du portrait social :
* Le changement de
paragraphe souligne la fin du portrait mené par l’éducation reçue. On remarque
alors le retour aux informations données au début de l’extrait :
répétition du nom « héritière » (l. 20 ; l. 4) ; même
superlatif intégrant l’ensemble du royaume (et donc hyperbolique) (« un
des grands partis qu’il y eût en France » l. 20 ; « une des plus
grandes héritières de France » l. 4).
* La description
de la Princesse ne l’individualise pas vraiment ; elle n’est du moins définie
que par rapport au milieu social auquel elle appartient (la Cour, la
très haute aristocratie française).
- Son statut est
exceptionnel : hyperbole de la ligne 20 ; opposition des lignes 20-21
qui indique son succès auprès des hommes. Elle est simplement parfaite, comme
pourrait l’être un personnage de conte de fées. Elle n’a pas de défauts et
surpasse toutes les autres femmes, comme le début du texte l’avait déjà indiqué.
- De nouveau, le
narrateur insiste sur le statut social élevé de la Princesse, qui
la distingue même du reste des jeunes filles de la Cour : la désignation
en tête de paragraphe (« cette héritière » l.20), fait le lien avec
ce qui a précédé par le déterminant démonstratif « cette », semble la
réduire à n’être que la représentante de sa famille, d’une lignée. Par l’emploi
du verbe « être » (« était » l. 20), on constate un état
qui est le sien, et qui est précisé dans la suite de la phrase, où le nom
« partis » rappelle encore son statut social, par le lien du mariage
(arrangé) qu’il suppose.
* Le regard
superficiel de la cour est encore rappelé, puisque l’on évoque ici
seulement son statut social. A noter que dans les lignes qui vont
suivre, on évoquera seulement sa beauté physique (sous forme de cliché, de plus), et non le reste de sa personnalité.
* L’arrivée de la
Princesse s’explique par le fait qu’elle est en âge de se marier.
- L’insistance dans
le passage sur l’éducation dans les rapports à avoir avec les hommes, et encore
plus la fin du paragraphe précédent évoquant « une femme » et
« son mari » (l. 19) annonçait ce qui attend Mlle de Chartres dès son
arrivée à la cour.
- Le pluriel, en fin
de phrase (donc mis en valeur), de « plusieurs mariages » (l. 21)
indique expressément que l’arrivée à la cour est liée à cette recherche de
mari.
* La
Princesse est donc soumise. Son destin est déjà tracé : sa mère décide
pour elle, comme les règles sociales, qui la destinent au mariage.
- L’opposition entre
la jeunesse et les mariages mise en avant après le point-virgule (l. 20) par la
conjonction « quoique », qui introduit une proposition subordonnée
placée avant la proposition principale (donc ainsi mise en valeur), souligne
encore que la Princesse ne décide pas de son existence puisqu’il est
implicitement noté que son âge devrait la préserver de ce mariage à ce moment
de son existence.
Conclusion :
* Ce portrait
correspond aux attentes du lecteur quand un nouveau personnage apparaît :
nous apprenons l’origine de la Princesse, puis nous revenons en arrière dans le
temps pour mieux la connaître avant son arrivée. Elle est aussi décrite tant
physiquement que moralement.
* L’ensemble de cette
présentation vise à distinguer de suite la Princesse des autres personnages de
la cour, dont il a été question longuement dans les pages précédentes. Son rang
social la distingue des autres car elle les surpasse. Mais surtout, la partie
centrale du portrait, qui semble s’éloigner des intentions habituelles d’un
portrait romanesque, permet de dresser un portrait moral de celle-ci, qui
montre une vertu exceptionnelle.
* Dans la suite immédiate de ce passage, il
sera évoqué sa beauté physique : celle-ci correspond là encore aux
codes de la beauté féminine de l’époque et de cette catégorie sociale :
traits réguliers ; blancheur de peau ; cheveux blonds. Il est
difficile pour le lecteur d’imaginer précisément la princesse, puisqu’elle ne
possède rien de particulier, qui la distingue des princesses parfaites des
contes. Il ne s’agit pas de mener un portrait qui permette au lecteur de
s’imaginer précisément le personnage, mais d’insister encore et toujours sur le
caractère parfait de cette princesse, tant du point de vue physique, que du
point de vue moral (ce que le passage sur son éducation a indiqué) :
d’emblée, dès son entrée dans le roman et à la cour, la princesse n’est pas
comme les autres jeunes femmes de la cour.
* Ce passage prépare la
suite des événements : malgré ces qualités exceptionnelles qui devrait
faire d’elle la favorite de la Cour (ce sera le cas au début), son éducation
est en contradiction avec les codes de la Cour basés sur l’apparence mais aussi
le mensonge, l’hypocrisie. Elle ne pourra donc jamais s’intégrer correctement à
la cour, lieu où les apparences sont prépondérantes et où la vertu n’est que
passagère.
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