mercredi 16 septembre 2020

Une page sur les personnages des Lettres persanes



Vous pouvez consulter cette page qui liste un certain nombre de personnages des Lettres persanes de Montesquieu et donne quelques indications sur eux :



Lecture analytique linéaire : lettre 24 des Lettres persanes de Montesquieu


NB. La lecture est ici menée de manière linéaire.

Partie 1 du texte : Rica s’étonne et critique la vie dans les rues parisiennes


1er paragraphe : mise en situation, contextualisation :

* 1ère phrase organisée en deux propositions grammaticales coordonnées grâce à la conjonction « et ». 1ère proposition (« Nous sommes… mois ») : situation spatio-temporelle de début de lettre, pour que le lecteur comprenne. Arrivée récente à Paris. Permettra d’expliquer aussi les lignes 17-19 du texte.


* insistance sur le mouvement continuel auquel Rica a été soumis durant son mois d’installation :

- « toujours » et « continuel » se répondent, insistant sur le « mouvement » qui n’a pas cessé durant cette période d’un mois.

- mise en parallèle de Paris et du « mouvement » : 2 noms de cette phrase, comme s’il y avait égalité entre les deux termes. Annonce de l’un des sujets de la lettre.

- phrase organisée en trois propositions subordonnées (« avant qu’on soit logé » ; « qu’on ait… adressé » ; « et qu’on se soit… fois ») : énumération qui souligne combien ils ont été occupés sans cesse.Critique également de cette obligation de prendre autant de temps pour s’installer (il est question de logement, et de « choses nécessaires » dont on suppose qu’elles peuvent être des objets, du personnel). L’énumération renforce le « mouvement » évoqué dans la 1ère phrase. La 2ème phrase du paragraphe explique donc la première.


* Rica note qu’il est soumis à ce nouveau lieu de vie, qu’il ne maîtrise plus son propre emploi du temps :

- début de phrase l. 2-3 par la formule impersonnelle « il faut » : les deux personnages sont soumis à une obligation, n’ont pas choisi leur emploi du temps de ce 1er mois.

- « dans un mouvement » + verbe « être » (« été ») : les deux personnages sont plongés, comme engloutis par le mouvement de la ville.


2ème paragraphe : l’architecture de la ville de Paris, et la foule surprennent Rica, qui note que cela a une conséquence sur la population qui vit dans cette ville :

* Texte structuré : enchaînement de ce 2ème paragraphe sur le 1er par le premier mot, Paris, déjà nommé à la ligne 1.


* Rica regarde Paris par ses yeux d’étranger, à partir de ce qu’il connaît :

- comparaison par le biais d’un comparatif d’égalité (« aussi… que ») : souligne que le personnage est un voyageur, qu’il décrit en fonction de ce qu’il connaît, de l’endroit d’où il est originaire. Les deux points font attendre une explication de cette courte affirmation première. Deux villes, Paris et Ispahan, mise ainsi en parallèle.

- « hautes » rebondit sur l’adjectif « grand », le développe. « en l’air », « les unes sur les autres », « descendu » montrent que la description de Paris est basée sur la verticalité. Ce qui surprend Rica est cette hauteur de la ville, certainement parce qu’il ne connaît pas ce type d’habitat et que les villes perses s’étalent horizontalement. Donc ces remarques permettent à la fois de décrire la ville pour le lecteur (Ibben, et le lecteur des Lettres persanes), mais aussi de montrer que Rica propose son regard personnel, celui d’un étranger. La naïveté de l’expression « maisons les unes sur les autres » permet de souligner que le personnage vient d’ailleurs et n’a pas les mots pour décrire les immeubles qui n’existent pas dans sa culture.

- « jugerait » : verbe au mode conditionnel, qui montre qu’il s’agit non pas de la réalité, mais de ce que Rica imagine, de son regard personnel. Le sens même du verbe renforce l’idée d’une opinion personnelle de Rica proposée ici. Humour de la référence aux astrologues (on dirait aujourd’hui astronomes) : construire si haut se justifierait seulement par le désir d’observer le ciel.

- « bâtie en l’air » : même incongruité qu’avec les astrologues. Suite de l’humour de Rica, ou désir de Montesquieu, encore une fois, de montrer un regard décalé, même dans le vocabulaire. Cela permet aussi de donner de la crédibilité à son personnage : le lecteur doit bien voir qu’il vient d’ailleurs.

- présence d’hyperboles (« si » l. 4, « extrêmement » l. 6) : expression de la surprise, de l’admiration peut-être, de Rica. Cela permet aussi de donner au lecteur envie de poursuivre la lecture des Lettres persanes, par cet aspect incongru, amusant.


* Conséquence de la hauteur des maisons de Paris : la ville est bien plus peuplée que les villes connues de Rica :

- « peuplée » : nouveau sujet abordé, en rebondissant sur la structure haute de la ville. Construire si haut se justifie par la population nombreuse de Paris. De nouveau les deux points invitent à lire la suite, une explication de ce qui vient d’être énoncé. « bel embarras » : marque de jugement, critique de la part de Rica, par le nom péjoratif « embarras », qui souligne une gêne, une foule, et par l’adjectif « bel » qui est ici ironique et renforce le sens du nom. Paris connaissait donc déjà la foule et les embouteillages. Conséquence du fait que Paris est construite en hauteur : surpopulation. « tout le monde » laisse aussi entendre que Paris et très peuplée.

- « tu juges bien » : le verbe « juger » est répété, montrant encore qu’il ne s’agit pas ici pour Rica d’être neutre dans sa présentation de la ville, mais bien de donner son avis personnel. La conjonction de coordination « et » suivie de la conjonction de subordination « que » souligne que Rica poursuit sa phrase (subordonnée complétant le verbe « tu juges »).


3ème paragraphe : Rica s’étonne mais aussi s’énerve face aux déplacements rapides et aux bousculades des Parisiens :

*Structuration du texte :

- Début du paragraphe en forme d’énigme. Volonté de Rica de créer du suspense (tu ne le croirais peut-être pas »). Interpellation directe de son interlocuteur, comme à la ligne 6 : rappel du caractère épistolaire du texte. Le choix encore une fois du conditionnel permet de souligner que ce qui va être dit est incroyable : marque du grand étonnement de Rica, de son regard sur ce qu’il découvre.

- Texte bien structuré : pour passer aux modes de transport des Français, Rica se base sur le fait qu’il a parlé du fait que la population était descendue dans la rue.

- enchaînement l. 8 avec un point-virgule : Rica va expliquer ce qu’il a annoncé de manière mystérieuse.


* Le regard et le jugement de Rica sont encore mis en scène :

- deux pronoms personnels sujets « je » + verbe « voir ». Propos assez défini, par l’emploi de la négation forte « ne… personne », renforcée par l’emploi de l’adverbe de temps « encore ». Rappel du fait que Rica est arrivé il y a « un mois », ce qui est peu mais suffisamment long pour offrir certaines observations et réflexions.

- Même affirmation définitive dans la phrase suivante : « au monde » (l. 9). Rica montre qu’il ne s’exprime pas toujours de manière nuancée. De plus, cela souligne qu’il compare les Français avec l’ensemble de la population de la planète (toujours ce regard comparatif). Volonté de généraliser : il n’a sans doute observé que les gens de Paris, mais élargit son propos à l’ensemble des « Français ».

- « pour moi » : opposition aux Français de la phrase précédente. Manière aussi de mettre en avant son avis et sa manière de vivre, celle d’un étranger de passage à Paris. L’opposition se poursuit par la négation qui suit (« ne… point » qui entoure le verbe « être » conjugué à la 1ère personne du singulier, et qui indique une identité).

- « j’enrage » (l. 12) : pour la 1ère fois dans ce texte, la réaction de Rica semble plus violente, plus affirmée. La confrontation à d’autres manières de vivre (ici de se déplacer) peut provoquer de vives réactions chez le voyageur.

- « comme un chrétien » : humour de Rica, qui se compare aux chrétiens avec lesquels il vit à Paris (il est musulman), auxquels il commence peut-être à ressembler. De plus, cela semble suggérer que les Chrétiens sont plus irascibles que les adeptes d’autres religions, ce qui peut constituer une petite critique en passant.


* Insistance sur la rapidité des Français dans leurs déplacements :

- la négation forte autour du verbe « marcher » (l. 8) est confirmée par le nom « machine » (l. 9), qui s’oppose à la marche à pied.

- gradation entre les deux verbes « courent » et « volent » (l. 10), pour montrer la rapidité de déplacement des Parisiens. Si Rica l’évoque, c’est qu’il n’y est pas habitué : on remarque ce que l’on ne connaît pas, ce qui est différent de ses habitudes propres. Le vol est une manière d’illustrer par une image en partie absurde (les Parisiens ne volent pas vraiment) combien cette rapidité apparaît comme extrême aux yeux de Rica. L’image rejoint aussi la verticalité de la ville évoquée au paragraphe précédent.

- La suite va renforcer ses propos puisqu’il va opposer cette vitesse à la lenteur des moyens de transport asiatiques (l’adjectif « lentes » le montre, qui complète un nom pluriel « les voitures », qui souligne qu’il parle de tout ce qui permet de se déplacer en Asie : généralisation). « le pas réglé » : l’adjectif renforce l’idée suggérée par le nom « pas » d’une lenteur, d’un déplacement à vitesse animale, de quelque chose d’immuable et régulier, qui s’oppose ainsi à la « machine » évoquée plus haut (création humaine). « nos chameaux » : l’adjectif possessif montre une opposition entre les Persans et les Français désignés à la 3ème personne par le pronom « les ».

- humour encore de Rica en évoquant de manière exagérée l’effet d’un voyage des Français en Perse : « syncope ». Idée aussi d’un regard inversé, mais toujours imaginé et pas forcément réel (d’où encore une fois le verbe « feraient » au conditionnel).

- « ce train » rappelle l’agitation, la vitesse de déplacement évoqué plus haut. Ce mot s’oppose à « à pied », comme la négation s’oppose à la formule affirmative (« qui vais souvent » : notez l’habitude suggérée par l’adverbe de temps). Le pas réglé des chameaux fait ici écho à « sans changer d’allure ». Les Français seraient donc inconstants dans leur manière de se déplacer.


* Après l’agitation, la vitesse des Parisiens, Rica évoque une autre conséquence de la foule : les bousculades (l. 13-16) :

- les deux points et la conjonction de coordination l. 12 introduisent encore une fois une explication de ce qui précède (le fait d’être en colère).

- concession : « encore passe ». Laisse entendre qu’il va y avoir une forme de gradation dans les faits cités. Le lecteur sera d’autant plus surpris, et aura envie de lire la suite.

- surprise du lecteur : comment peut-on accepter d’être éclaboussé « depuis les pieds jusqu’à la tête » ? Peu crédible. Mais cela laisse entrevoir que Rica a subi bien pire. Image ainsi passablement négative de la ville de Paris et de ses habitants. Il est en position de celui qui subit : « on m’éclabousse » : pronom personnel « me » complément.

- « mais » : suite de la concession. Le lecteur l’attendait. Le pluriel des « coups de coude » montre une répétition de ce mauvais traitement reçu dans la foule, comme le présent à valeur d’habitude (« reçois ») qui est renforcé par deux adverbes qui riment entre eux (« régulièrement et périodiquement »). Exaspération de Rica encore sensible dans la négation entourant le verbe « pardonner », qui renvoie à une émotion ressentie par le personnage, qui ici se livre de manière personnelle.

- évocation l. 14-16 à la fois d’un fait précis, par le singulier « un homme », et des faits répétés (le mot « homme » est imprécis). Le présent est ici encore un présent d’habitude. Les pronoms « me » et « moi » continuent à montrer que Rica n’est même plus maître de ses déplacements, de son corps dans la foule. Il est agi par les passants. Le point-virgule sépare deux propositions qui à la fois s’opposent, et se renvoient l’une à l’autre par leur structure grammaticale assez similaire. Cela souligne à la fois l’absurdité de la situation (on lui fait faire demi-tour régulièrement), et l’humour de Rica : ce non-sens est amusant pour le lecteur, tout en affichant le peu de respect des Français entre eux quand ils se déplacent.

- la conjonction « et » l. 16 introduit le bilan de cette anecdote. Rica est fatigué de se déplacer dans cette ville où l’agitation permanente ne permet pas de mieux aller d’un point à un autre, où l’agitation est inefficace. Sa fatigue est soulignée par la comparaison entre « cent pas » et « dix lieues » : l’opposition montre qu’il a beaucoup marché, mais sans se déplacer. Encore une forme d’absurdité qui dénonce cet état de fait.


4ème paragraphe : Rica, observateur prudent et honnête :

* Ce paragraphe semble une sorte de pause dans la lettre. Rica évoque sa qualité d’observateur, et sa réaction surprise (« m’étonner », mis en valeur en fin de paragraphe). Modestie du personnage : « légère idée » ; « parler à fond » (qui complète un verbe au subjonctif, « puisse », dont le mode rappelle l’improbabilité de pouvoir dresser une description précise des Français et juger correctement de leur mode de vie) ; « à peine ».

- interpellation directe de son interlocuteur par l’impératif en tête de phrase (« Ne crois pas »). Manière de montrer que ce qu’il a dit jusqu’à présent dans sa lettre doit aussi être lu avec prudence puisqu’il ne connaît que peu selon lui la France.


Partie 2 du texte : Rica critique le roi et l’acceptation par les Français du pouvoir de celui-ci :

* l. 20 : courte phrase en tête de paragraphe : annonce d’un nouveau sujet, le roi de France.


5ème paragraphe : un roi riche grâce à la générosité de ses sujets :

* Attaque de Rica envers le roi (ici Louis XIV est visé) :

- Comparaison du roi de France aux autres souverains de L’Europe pour mettre en valeur le pouvoir de celui-ci : le mot « puissant » est au cœur de la phrase, entre le GN sujet et « l’Europe », qui arrive en fin de phrase. Usage d’un superlatif qui donne une image positive, ou du moins valorisée du roi de France.

- l. 20-22 : autre manière de développer la comparaison : phrase construite autour d’une opposition, soulignée par l’emploi de la conjonction de coordination « mais », et un point-virgule qui sépare la phrase en deux parties. Effet d’attente puisqu’il est suggéré que le roi de France n’est pas riche, ce qui est souvent un gage de puissance (cf. 1ère phrase du paragraphe). Le lecteur a envie de savoir d’où provient le pouvoir du roi français.

- « or » : synonyme de richesse. Le roi d’Espagne semble riche puisqu’il possède plusieurs mines (pluriel). La 2ème partie de la phrase se construit sur la 1ère : le mot « richesses » fait écho aux « mines d’or », et la fin de la phrase reparle des mines, refermant la phrase sur elle-même. Cela renvoie quelque part la richesse du roi d’Espagne bien loin de celle du roi de France.

- Étonnement du lecteur puisque la richesse vient d’un trait de caractère des Français : la « vanité ». Jeu entre le caractère concret des mines d’or et le caractère abstrait de la vanité des Français : cela dévalorise encore plus les Français, le terme « vanité » étant déjà péjoratif. Les Français sont comme comparés à du métal.

- le souhait de Rica d’expliquer précisément sa pensée est sensible entre autres par l’emploi de la conjonction de subordination de cause « parce que ».

- noter les références précises à l’époque : évocation de deux véritables souverains, France et Espagne. Montesquieu insiste sur le fait que son texte se veut critique à propos de certaines situations propres à la société française de son époque.

- l. 22-24 : explication de ce qui précède en donnant un exemple assez précis, que le verbe « voir » souligne : il s’agit d’un témoignage avéré, même s’il est imprécis (emploi du « on » indéfini).

- aspect critique : la richesse du roi de France lui sert à faire la guerre. Noter le pluriel de « guerres » et l’emploi de l’adjectif épithète du nom « grandes » (double sens : guerres sur de vastes territoires ; guerres aux objectifs louables, donc terme ironique dans ce sens). Par ailleurs, les deux verbes à l’infinitif (« entreprendre ou soutenir ») insistent sur la fréquence de ces guerres, soulignant par ailleurs que ce roi est responsable du déclenchement de certaines d’entre elles.

- dépréciation du peu que le roi peut proposer pour avoir suffisamment de budget pour ses guerres par la négation restrictive « ne…que », et le balancement entre « autres fonds » et « titres d’honneur », qui sont ainsi mis en parallèle, à égalité. L’argent du roi est encore une fois basé sur une simple considération humaine, l’« honneur » et non sur une richesse réelle.


* Rica critique également les Français, crédules face à leur roi :

- le mot « prodige » souligne l’étonnement de Rica devant ces observations, mais aussi montre le caractère irrationnel de ce fonctionnement. Plus que le roi, ce sont les Français irrationnels qui sont ici critiqués. Le mot prépare aussi le terme de « magicien » (l. 25).

- le mot « orgueil » est péjoratif. Critique forte des Français qui se laissent abuser par le roi. Noter que le complément d’agent « par… humain » est antéposé : il est ainsi placé avant la conséquence du trait de caractère des Français, c’est-à-dire le fait que le roi dispose ainsi de suffisamment d’argent pour faire la guerre.

- la dernière partie de la phrase est construite sur un rythme ternaire, soulignant combien les fonds récoltés sont importants, puisqu’ils ont couverts toutes les dépenses possibles quand on se lance dans un conflit (3 groupes nominaux détaillent : « ses troupes », « ses places », « ses flottes »).


6ème paragraphe : un roi qui manipule ses sujets :

* Encore une fois phrase courte (l. 25) pour démarrer le paragraphe. Annonce du sujet de celui-ci. Qualité de la construction du texte de Rica qui sait ordonner ses réflexions.


* Le roi manipule ses sujets, leur fait croire ce qu’ils souhaitent : ils sont donc très naïfs. Double critique de la part de Rica (et Montesquieu) :

- « ce roi est un grand magicien » (l. 25) : métaphore qui met à égalité le roi et le magicien par le biais du verbe d’état « est ». Le lecteur peut être surpris de ce rapprochement. Il va donc lire la suite, que les deux points annoncent pour comprendre cette affirmation. Affirmation péremptoire, non nuancée, présentée comme une vérité indéniable.

Le magicien crée des illusions, se joue des apparences, trompe, mais ce qu’il dit ou fait n’est pas la vérité : manière de critiquer le roi qui ment au peuple.

« grand » pourrait souligner une forme d’admiration de la part de Rica, mais est en fait ironique et accentue ce que connote le nom « magicien » : l’ampleur de la manipulation.

- deux points (l. 25) : explication de l’affirmation précédente. Pouvoir exceptionnel du roi de France, souligné par le mot « empire ». Un pouvoir exceptionnel aussi par le fait qu’il s’exerce sur « l’esprit » des Français. Suite de l’idée de magie : comme un envoûtement. La préposition « sur » marque encore une forme de puissance.

- Après le point-virgule (l. 25), Rica se répète, insistant encore sur la soumission totale des Français à leur roi. On sent poindre une critique du fait qu’ils ne pensent pas par eux-mêmes, valeur défendue par les philosophes des Lumières. Le roi est en position de sujet du verbe (« il »), tandis que les Français sont pronom personnel complément (« les »). Le verbe « fait » suggère une action concrète du roi sur la population. Enfin, « comme il veut » met en avant qu’il est le seul à choisir, que la volonté de réfléchir n’existe pas dans le royaume.


* Après ses affirmations, Rica donne des exemples concrets, pour mieux se faire comprendre, et pour mieux frapper les esprits d’Ibben (et donc de nous lecteurs) :

- 1er exemple donné par Rica (l. 26-27) : manière de rendre plus compréhensible ses explications précédentes. L’emploi de la subordonnée hypothétique, suivie de sa conséquence (« S’il… il n’a qu’à… »), veut montrer combien il est aisé pour le roi d’obtenir de ses sujets ce qu’il souhaite. La négation restrictive « ne… que » va dans le même sens. Tout se joue sur la persuasion, donc sur des paroles du roi, ce que le verbe « persuader » souligne.

- Mais Rica va plus loin puisqu’il précise l’objet de l’argumentation : « un écu en vaut deux ». Affirmation absurde, car illogique du point de vue mathématique (un n’est pas égal à deux). Et pourtant, après le point-virgule et la conjonction de coordination « et », la conséquence de l’affirmation apparaît : il a été cru. La juxtaposition de l’affirmation absurde et de la réaction des Français souligne combien ils sont crédules, se laissent faire : c’est une critique sévère à leur encontre.

- 2ème exemple (l. 27-29) : même construction grammaticale : même effet que la précédente. Mais l’absurdité est pire encore (« un morceau de papier est de l’argent »). Le résultat est le même chez les Français, l’adverbe « aussitôt » affichant en plus la rapidité de réaction, donc l’absence de réflexion personnelle. La répétition des réactions illogiques des Français donne une bien piètre image d’eux.

- L’expression « mettre dans la tête », par son caractère plus prosaïque, et son aspect concret, renforce aussi l’idée d’une manipulation presque physique des Français de la part du roi de France.

- 3ème exemple (l. 29-31) : la construction grammaticale change par rapport aux deux premiers exemples. Peut-être est-ce une manière de montrer encore plus la gradation dans les exemples. Ce dernier est comme l’apothéose, ce que l’adverbe « même » et la préposition « jusqu’à » annoncent dès le début de la phrase.

- Les verbes « faire » qui précède celui de « croire » rappellent à la fois le caractère manipulateur du roi et le fait qu’il ment, qu’il joue sur les esprits de ses sujets. L’aspect physique de la manipulation se confirme ici, puisque le roi se fait médecin. Cela rappelle effectivement un pouvoir que l’on attribuait aux rois en France, mais la manière de le présenter montre que Rica n’y croit pas et critique encore une fois la naïveté des Français.

- Le pluriel « de toutes sortes de maux », suivi immédiatement de la proposition participiale « en les touchant » renforcent aussi cette absurdité : comment un roi, qui n’est pas médecin, peut-il guérir, de surcroît simplement en touchant quelqu’un ? N’est-ce pas aussi le pouvoir de Dieu que les rois s’octroient ici (penser aux guérisons miraculeuses de Jésus) ?

- la fin de la phrase confirme encore s’il était besoin que Rica rit de cette capacité du peuple français à se laisser duper aussi facilement, et de ce roi si puissant : les deux termes « force » et « puissance » sont synonymes, se font donc insistants. Le dernier terme de la phrase et du paragraphe est « esprits » : il est ainsi mis en valeur. Montesquieu veut montrer que ce qui est hautement critiquable est le fait que les Français ne réfléchissent pas par eux-mêmes, n’exercent pas leur libre-arbitre. Par ailleurs, l’auteur dénonce également le despotisme absolu de ce roi qui manipule, trompe : un magicien est un illusionniste, qui présente le mensonge comme la réalité. La critique est donc double.


Extrait du film "Petit à petit" de Jean Rouch



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