Cette analyse menée de manière linéaire est basée sur celle de Jean-Michel Maulpoix sur la page dont le lien figure ci-dessous. Elle complète, reformule et précise l’étude proposée par ce poète. Il est donc indispensable de se référer à cette première étude car tout n’est pas repris dans le tableau.
L’analyse
est aussi inspirée de celle proposée par le site anabac :
NB.
Ce qui figure entre guillemets et en italique dans le tableau ci-dessous est
issu de l’étude de Maulpoix. Ce qui est entre guillemets et avec entre
parenthèses (J) est extrait du sonnet de Jaccottet.
Introduction
à l’étude proposée
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- Une
réécriture : Ce sonnet est un écho à celui de Baudelaire intitulé
« Recueillement » (1er vers + thématique), à lire
ici :
Jaccottet
propose donc ici ce que l’on nomme une réécriture du sonnet de
Baudelaire : il s’en inspire, mais en propose sa version. On remarquera
notamment que le poème de Jaccottet est plus serein que celui de Baudelaire.
La vision de la vieillesse, de l’approche de la mort est proposée de manière
plus apaisée.
- Un
poème lyrique : Jaccottet livre ici partage ici ses sentiments, médite
sur la vie et la mort inéluctable de tout être humain. Il lie cette réflexion
à celle sur l’écriture poétique, son rôle, son poids.
-
Une réflexion sur la mort et la manière de chacun d’appréhender cette
« fin » (v. 2, J). Maulpoix : Le poème suggère l’écoulement du
temps, et « un jeu subtil de
ruptures […] manifeste la manière dont il perturbe et défait la vie, aussi
bien que la vanité des tentatives humaines de s’y soustraire. » :
exemple des enjambements qui créent un effet d’attente (attente de la mort,
inéluctable), ou qui tentent au contraire de l’oublier, de la repousser, mais
inévitablement, elle se rappelle aux êtres humains. Les rimes croisées
montrent aussi notamment le fait que l’être humain, ici plus particulièrement
le poète (Jaccottet donc), croise la mort, y est associé, comme tout être
humain, voué à une disparition certaine au bout d’un certain nombre d’années
sur Terre.
- Comment se rassurer face à cette
réalité de la mort ? L’amour peut être source d’apaisement "
un poème d’amour : certains vers évoquent une femme, un être aimé, mais
aussi un couple. La poésie peut encore être source d’apaisement "
un poème autoréférentiel sur la poésie : dans certaines ambiguïtés, il
fait référence au langage et à l’art de la
poésie, ainsi qu’au poète.
- Mouvements du poème : les deux
documents proposés (Maulpoix et anabac) se contredisent sur ce point. Quand
Maulpoix évoque une accélération et une dramatisation croissante (les
tentatives de s’apaiser par l’amour ou la simple volonté de dédramatiser
n’ont pas suffi à éloigner la perception de l’approche de la mort), le site
anabac suggère que celui qui s’exprime trouve progressivement une forme
d’apaisement dans ses propos au cours du sonnet. Ceci souligne toute
l’ambiguïté proposée par ce texte, qui alterne entre un accueil serein de la
condition humaine (puisque nous devons mourir, pas besoin de s’angoisser pour
cela), et des moments où la fuite inexorable du temps est moins bien acceptée
(ce qui offre au poème un aspect tragique : chaque être humain est
soumis à un destin fatal).
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Titre
du poème
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Pas de titre spécifique : le
titre est celui du début du poème, comme souvent quand l’auteur n’a pas
choisi de titre à son texte. Voir l’analyse au vers 1.
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Vers 1
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- Dès le départ, ambiguïté par
l’emploi de la 2ème personne du singulier, et le pronom
démonstratif neutre, bien imprécis, « cela » (J) : à qui
s’adresse le poète ? A une autre personne (cas classique du poème
lyrique, qui s’adresse par exemple à l’être aimé) ? A lui-même, dans une
sorte de dédoublement, ce qui suggère d’emblée un poème méditatif, de retour
sur soi ? Au lecteur, dans une généralisation des propos (ce que dit ici
le poète concerne chaque être humain) ?
Et de quoi est-il question ici ?
Comment le poète peut-il être sur de cet avenir (ce que suggère l’emploi du
mode indicatif avec les verbes « viendra » (J) & « te
rapproches » (J), le présent prenant la place du futur, comme si le
temps s’accélérait dans un même vers).
- Utilisation de deux verbes de
mouvement + utilisation de l’impératif, de l’indicatif futur :
insistance sur une progression, dont on va vite comprendre que c’est un
mouvement vers la mort. Aspect inéluctable déjà suggéré ici.
- La phrase exclamative peut suggérer
un ordre donné d’accepter la réalité, de ne pas lutter contre ce qui doit
arriver. Ce peut être aussi l’expression d’une douleur face à cette réalité,
peut-être même d’une sorte d’ironie (antiphrase) moqueuse face à celui/celle
qui ne veut pas accepter qu’il/elle mourra : le poète, l’être humain,
n’est pas tranquille, serein, mais pourtant il sait qu’il lui faudrait
l’être.
- « tranquille » (J) :
est-ce une référence à l’ataraxie ? Chez les Grecs, notamment les
Stoïciens, l’ataraxie est l’état de l’âme qui est apaisée car elle connait et
a accepté tout ce qui existe. L’angoisse de la mort disparaît quand on accepte
ce sort de toutes façons inéluctable. Nul besoin de s’en préoccuper puisqu’on
n’a pas prise sur cet avenir. Autant s’occuper du présent. C’est peut-être ce
que l’impératif suggère : une volonté du poète de devenir plus sage,
d’accepter ce sort, ce destin très humain. C’est aussi un appel à ses
lecteurs à faire de même.
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Vers 2
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- « tu brûles » (J) « partie de cache-cache » :
l’expression signifie que celui qui cherche un objet caché est tout proche de
le trouver. Noter que l’humour peut-être présent au vers 1 par l’antiphrase
se retrouve ici dans cette référence au jeu de l’enfance. Jaccottet évoque un
sujet très sérieux, angoissant, mais veut aussi le dédramatiser ainsi.
- Le feu est aussi souvent lié à la
passion amoureuse : manière d’introduire ce thème. Le feu est par
ailleurs la destruction, la fin progressive de l’individu : la mort est
introduite de manière plus précise ici.
- Même emploi de l’exclamation qu’au
vers 1 (voir l’analyse plus haut).
- Mise en évidence d’une explication
des deux phrases précédentes par l’emploi de la conjonction de cause
« car » (J) en tête de 3ème phrase.
- « Le mot » : le
poème se réfère à lui-même, au langage qui le constitue. Mise en évidence
d’un mot particulier, mais pas cité ici.
- Même emploi de l’indicatif
futur : même analyse qu’au vers 1. Certitude accentuée par l’emploi du
verbe « être » ainsi conjugué au futur.
- Position du nom « fin »
(J) en fin de vers : référence à la fin du poème (puisqu’il parle de
« mot » -J), mais aussi suggestion de la fin de l’être humain, de
sa mort. La thématique principale du poème se précise petit à petit aux yeux
du lecteur.
- L’enjambement (vers 1 à 2) met en
avant l’attente de l’être humain (qui attend sa mort), mais aussi son
caractère inéluctable et une forme de rapidité de l’arrivée de la mort, de la
vie qui est courte. Noter que les deux premières phrases sont courtes, ce qui
renforce cet effet.
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Vers 3
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- « du poème » (J) :
enjambement : effet de surprise (la fin… de quoi ? pouvait se
demander le lecteur dans le vers 2). Annonce de la fin de ce poème, alors
qu’on vient d’en débuter sa lecture. Comme la vie humaine, le texte a une
fin, qu’on sait déjà proche. La lecture du poème mime en quelque sorte la vie
humaine. Cela fait penser à certains poèmes de Francis Ponge qui mime aussi
le phénomène qu’il évoque (le pain est mangé à la fin du poème, la pluie
s’arrête quand le poème qui lui est consacré est terminé). Jaccottet utilise
la forme courte du sonnet pour faire ressentir dans sa lecture même le sujet
évoqué, celui de la mort de tout être humain.
- « plus que le premier »
(J) : comparatif de supériorité. Volonté de comparer deux moments d’un
poème. Encore une fois, le poème mime l’avancée du temps qu’il évoque. Quand
nous aurons fini de lire le poème, la mort sera plus proche qu’au début de sa
lecture !
- « sera proche »
(J) : jeu de sonorités avec la rime du vers 1 = accentuation forte du
mouvement vers la mort, ou de la mort vers soi. Même usage du futur de
l’indicatif (voir plus haut).
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Vers 4
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- Le
chemin est l’image habituelle de la vie, dont la progression vers la mort,
vers sa fin, ne s’arrête jamais.
- Personnification de la mort, qui se
déplace elle aussi (écho aux autres verbes de mouvement de ce quatrain). Référence
aux allégories de la mort dans certaines cultures ?
- Négation totale : manière de
renforcer l’avancée inexorable vers la mort.
- Ressemblance phonique des noms
« mot » et « mort » (v. 2 & 4 -J) : accentuation
encore une fois du fait que le poème mime/reflète la progression du poète, du
lecteur, vers la fin du texte, vers la fin de la vie.
- Nouvel enjambement : « de
ta mort » (J), attendue à la fin du vers 3, mais inéluctable. La lecture
du poème ne peut pas s’arrêter non plus, puisque la fin des vers nous
invite/incite à lire ce qui suit. Le lecteur est entraîné vers la fin du texte,
comme l’être humain vers sa fin.
- Le
chemin s’arrête toutefois puisqu’il y a un point : fin de phrase + fin
de strophe. Manière de suggérer la mort encore une fois ?
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Vers 5
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- L’image de la mort endormie sous
les branches est-elle un clin d’œil humoristique à la fable du « Lièvre
et de la Tortue » de La Fontaine ? La mort ne serait donc pas le
lièvre, qui perdrait contre la vie au final, mais la tortue qui poursuit
inlassablement son chemin et vainc tout être vivant au final. Même humour que
dans la 1ère strophe : volonté de la part de Jaccottet de ne
pas trop se prendre au sérieux comme poète, peut-être.
- Suite de la personnification de la
mort, entamée dans la strophe 1 : le pronom « elle » (J)
reprend le groupe nominal « ta mort » (J). Nouvel usage d’un verbe
de mouvement (« aille » -J- = verbe « aller »). Le temps
avance sans cesse, donc la mort s’approche sans cesse pour chaque être
humain.
- Parallèle avec la strophe 1 :
même emploi d’un verbe à l’impératif au début (« ne crois pas » -J).
Volonté du poète de s’auto-persuader ? Conseil donné au lecteur ?
- Le verbe « croire » se
réfère à l’opinion personnelle de chacun. La croyance peut être une opinion
non fondée rationnellement (ex. si on croit en Dieu, on n’a pas la preuve
qu’il existe). Donc ici le poète lutte contre cette tendance de l’être humain
à vouloir se tromper lui-même, à penser que la mort ne viendra pas si vite, à
oublier parfois sa finitude, le fait qu’il mourra forcément un jour. L’emploi
du subjonctif « aille » (J) souligne encore combien cette manière
de penser est une erreur, un mensonge à soi-même, une illusion.
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Vers 6
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- Nouvelle auto-référence, comme dans
une mise en abyme, au poème lui-même (« tu écris » -J). Le poème
évoque la mort, mais aussi l’écriture littéraire, qui a parfois été présentée
comme lutte contre le temps qui passe, comme une manière pour le poète de
rester vivant après sa mort, par ses écrits. Ici, Jaccottet semble plus
pessimiste : l’écriture littéraire ne stoppe pas le temps, même un
instant. C’est peut-être une réponse aux poètes qui évoquaient l’écriture
poétique comme une manière d’être éternel (pensez à Ronsard dans le poème
« Quand vous serez bien vieille » (à lire ici : https://www.poetica.fr/poeme-90/pierre-ronsard-quand-vous-serez-bien-vieille/).
Le poète parle à la fois à tout le monde (voir l’emploi universalisant de
l’article défini « la » -J- au vers 2, et l’indéfinition du
« tu », du « cela », et l’évocation large de la
mort), et parfois plus
particulièrement de lui-même.
- Suite de la personnification de la
mort (elle a du souffle, ou le perd !). La mort est comme un être
humain, nous ressemble. Ce peut être une manière de la dédramatiser, de la
banaliser.
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Vers 7
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- L’eau est le principe de la vie.
Comparaison entre l’amour et l’eau, qui permettrait de lutter contre la mort.
- Répétition de « même
quand » (J) : évocation du temps qui passe par la conjonction
« quand » (J), et manière de suggérer, avant même l’arrivée de la
proposition principale « elle vient » (J), que tous ces efforts
seront vains, que l’amour n’empêchera pas la mort de survenir.
- Bien lire ce que dit Maulpoix sur
la structure grammaticale à partir de ce vers.
- Boire à la bouche (renforcée par
l’allitération en [b]) : proximité des deux êtres qui s’embrassent, et
se donnent vie l’un à l’autre. La référence à la bouche est sensuelle :
début d’une image de l’amour. « tu » (J) peut être ici l’être
humain à qui s’adresse le poète. Il s’attarde sur cette partie de son corps,
qui suggère les baisers, le contact amoureux entre eux.
- « étanche » (J) :
forme d’apaisement (physique), qui rappelle l’appel à la tranquillité du vers
1. On peut étancher une source, en arrêtant son écoulement. L’écoulement de
l’eau a souvent été associé à la vie qui passe, sans cesse (voir
Héraclite : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même
fleuve », ou le poème d’Apollinaire « Le pont Mirabeau »).
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Vers 8
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- Encore un enjambement :
attente du COD du verbe « étancher » + encore une fois le caractère
inéluctable de ce qui définit l’être humain, la condition humaine. Mise ainsi
en évidence aussi du superlatif « la pire soif » (hyperbole) :
pas de définition de ce qu’est cette soif. Soif = la mort (si on ne boit pas,
on meurt rapidement) ? Soif de trouver de quoi combler l’angoisse du
temps qui passe, notamment en passant du temps avec une personne
aimée ?
- « cris » (J) placé en fin
de vers, de strophe, éloigné de son adjectif « doux » (J), est
connoté de manières diverses mais plutôt de manière négative : cris de
l’amour ou cris de l’effroi devant la progression de la mort que l’amour même
ne permettra pas d’éviter ? Noter le contraste fort entre
« douce » (J) et « cris » (J) : la douceur de la
bouche renvoie par métonymie (synecdoque, plus précisément ici) à la douceur
de celui/celle qui possède cette bouche, à son caractère doux, à ses paroles
douces ≠ les « cris » (J) sont une parole qui n’est pas apaisante,
pas agréable à écouter, des mots qui ne sont pas articulés (donc absence de
communication et expression de la colère ou de la douleur). La douceur de
vivre un amour est un écho à la tranquillité de l’âme souhaitée depuis le
vers 1. Noter l’assonance entre « douce » et « bouche »
(J), qui renforce le fait qu’aimer une autre personne peut être source de
réconfort.
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Vers 9
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- Allitération en [r] :
« serres » (J), « force » (v. 9 -J) & « quatre
bras » (v. 10 -J) : comme le geste désespéré des amants qui sont
solidaires l’un de l’autre en espérant ne pas disparaître, ne pas être
séparés par la mort ? Effort pour rester ensemble et lutter contre la
fin de leur relation amoureuse ? (dans ce 2ème cas, cela
renforce l’idée que rien n’est permanent dans ce que les êtres humains
entreprennent : pessimisme de Jaccottet). Mais aussi, simplement,
métaphore de l’amour (y compris physique : cf. sensualité de ce poème). Les
quatre bras semblent appartenir à un seul et même être : union des deux
amants.
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Vers 10
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- « immobiles » :
préfixe qui permet de souligner l’inverse du mouvement : les amants
tentent d’opposer leur immobilité au mouvement inéluctable de la mort vers
eux.
- Peut-être référence implicite au
poème « Le Pont Mirabeau » d’Apollinaire (à lire ici : http://www.toutelapoesie.com/poemes/apollinaire/le_pont_mirabeau.htm)
: « le pont de nos bras ». Ce poème évoque lui aussi le passage du
temps, et oppose le poète, immobile sur le pont, et la Seine, dont l’eau s’écoule
inexorablement au-dessous de lui, emportant ses amours, son passé.
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Vers 11
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- Reprise d’un mot de la même
famille : « tu brûles » (v. 2) / « brûlante » (v.
11). Le poème commence à se refermer sur lui-même = aspect inéluctable de la
fin annoncée dès le début du texte. Polysémie de l’évocation du feu :
feu-passion des amants (sensualité, amour physique) ; feu de la
destruction, de la mort, ce que confirmerait le fait que l’adjectif complète
le nom « obscurité » qui connote souvent l’absence de la vie, la
mort.
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Vers 12
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- Proposition principale (« elle
vient » -J) placée après les propositions principales :
grammaticalement, elle était attendue, d’autant plus que l’emploi de
« même quand » suggérait d’emblée une opposition, donc le caractère
vain de l’échappatoire de l’amour : aimer quelqu’un ne suffira pas à
éloigner la mort, ne peut la faire oublier. Le verbe de mouvement
« venir » est repris du vers 1 (« viendra » -J), montrant
la progression incessante de la mort, accentuée par le passage du futur au
présent (la mort est plus proche). Le retour du pronom « elle »
(J), non utilisé depuis le vers 5, remplace l’évocation du couple
(« tu », « vos » -J). Le caractère inéluctable de
l’approche de la mort est aussi mis en évidence par sa position en début de
strophe, après une attente provoquée par le passage du 1er au 2ème
tercet, dans une phrase qui n’était pas terminée. On attend la mort, et elle
arrive effectivement : aucune fuite n’est possible. Le temps présent du
verbe peut être interprété comme un présent de vérité générale.
- La référence à Dieu rappelle la
fatalité de la mort (Dieu est omniscient, donc lui seul est au courant du
moment de la mort de chacun), mais c’est aussi une expression un peu
familière, souvent détachée de l’idée d’une divinité supérieure (comme quand
on dit « Mon Dieu ! »). Cela fait écho aux moments, dans les
deux quatrains, où Jaccottet utilise un langage plus familier, courant. Tout
en proposant un sonnet angoissé, il s’amuse du sérieux de ce qu’il écrit, du
genre poétique souvent considéré comme le lieu où un langage très particulier
se développe. Ceci rappelle aussi le langage poétique de Jacques Prévert qui
incluait des mots familiers ("
« connerie » in « Barbara » : https://www.lesvoixdelapoesie.com/poemes/barbara),
des comptines ("
« Les belles familles » : https://www.ac-orleans-tours.fr/fileadmin/user_upload/ia28/doc_peda/MDL/actions/poesie/Banques/L_humour_et_la_fantaisie/Les_belles_familles.pdf),
dans ses créations poétiques, montrant que le langage poétique est partout,
peut absorber toute forme de langage.
- « détours » (J) : la
mort peut se présenter parfois à un être humain, mais il peut en réchapper à
plusieurs reprises. Il n’empêche que des détours peuvent retarder une
arrivée, mais qu’elle se produit malgré tout. L’être humain peut croire
reculer l’échéance fatale, sans y parvenir.
- Allitération en [v] : « vient »,
« vers », « vous » (J). Manière de renforcer la proximité
de la mort, qui, ici, ne concerne plus qu’une seule personne, mais les deux
amants. L’amour, l’union de deux êtres, ne permet pas d’éloigner la mort.
Elle concerne tout le monde.
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Vers 13
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- Echo à « détours » (« loin »
ou « près » -J) : la mort concerne tout le monde, qu’elle
paraisse éloignée, si on est jeune par exemple, ou proche, si on est vieux,
ou malade. Caractère inéluctable encore une fois répété. Universalité du
poème, qui évoque la condition humaine en général, qui évoque le sort de tous.
Rime interne entre « très » et « près » (J), qui montre
une égalité de traitement, qui montre que la mort arrivera forcément, tôt ou
tard.
- Reprise de l’impératif du vers 1.
Le poème se referme sur lui-même, comme une démonstration : la mort concerne
tout le mode, est inéluctable, et on ne sait quand elle surviendra. Toutefois
(l’opposition est nettement marquée par la conjonction de coordination « mais »
(J)), il faut tenter malgré tout de ne pas passer sa vie à avoir ceci en
tête, de trouver une forme de tranquillité morale, psychologique. Jaccottet a
annoncé l’objectif de son poème au vers 1, et reprend la réflexion à la fin.
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Vers 14
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- Gradation : la proximité de la
mort se fait de plus en plus pressante, puisque le poète avait dit que la
mort serait plus proche entre le 1er mot et le dernier mot du
poème (v. 2-3-4), et ici elle se rapproche de mot en mot. Négation du pouvoir
de la parole pour lutter contre la mort. Le fait aussi que le poème évoque la
mort la rend plus présente pour le poète lui-même, et pour le lecteur.
Approche de la mort renforcée par l’anaphore « elle vient » (J)
entre les vers 12 et 14 : caractère pressant.
Ou : 2ème manière d’envisager,
d’interpréter cette répétition "
puisqu’elle suit la répétition de « sois tranquille » (J), elle
peut être interprétée de manière plus apaisée (rappel de l’ataraxie évoque au
vers 1). La mort vient, certes, mais puisqu’on ne peut la contrôler, il faut
vivre avec cette idée, l’accepter (d’où l’emploi de l’impératif : comme
la mort est obligatoire pour tous, il est aussi obligatoire de savoir vivre
sereinement avec cette idée de la fin).
- Comme au vers 2, la conjonction « car »
(J) venait expliquer, les deux points annoncent ici aussi une explication. Celle-ci
répète le caractère inéluctable de la mort. Si on ne peut contrôler quelque
chose, inutile de se battre contre : c’est peut-être le message de l’auteur.
- Le poème parle de lui-même, comme
dans une mise en abyme. Reprise du terme « mot » (J), déjà utilisé
au vers 2, ce qui montre encore le fait que le poème est construit
symétriquement entre le début et la fin de lui-même. La reprise de « mot »
(J) montre encore une fois que le sonnet vise à mimer la fin de chaque être
humain : le poème s’achève, comme chacun mourra.
Par ailleurs, c’est aussi de la
parole poétique, de l’auteur, dont il est question, grâce à cette ambiguïté
sur l’identité de « tu » (le poète seulement ? l’être aimé ?
le lecteur ? l’être humain ?). Jaccottet sait qu’à chaque nouveau
mot qu’il aligne, il se rapproche de la mort. Mais c’est aussi le cas de tout
être humain : nous sommes des êtres de langage. Contrairement aux
animaux qui ont un langage inné, qui évolue peu, nous sommes capables de faire
évoluer en permanence notre langage, qui est complexe du point de vue
grammatical et lexical, qui exprime nos réflexions. La fin du poème, c’est la
fin du langage. La fin du langage, c’est la fin de tut être humain. Il faut
donc continuer communiquer entre nous,
à parler, à écrire (des poèmes, entre autres).
- Fin du poème sur l’adjectif
qualificatif « vieux » : insistance sur le passage du temps,
toujours plus visible.
- Dernier vers constitué de mots
monosyllabiques : rapidité du temps qui passe, comme le passage d’un mot
à un autre est rapide.
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