lundi 4 mai 2020

Lecture analytique linéaire : "La Mort des amants" de Baudelaire




Présentation / contexte :

* Qui est Baudelaire ? À voir ici :

* Le recueil, à sa publication, fait scandale :

Dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire développe deux visions opposées de la mort : un aspect morbide (ex. poème « Une Charogne ») et un aspect heureux (ex. « La Mort des amants »).

* Deux notions sont essentielles chez Baudelaire, le Spleen et l’Idéal. Petite vidéo pour tout comprendre :

* La thématique de la beauté, de l’idéal à atteindre par l’art et la poésie, est aussi incontournable :

* Structure très classique du sonnet, mais en décasyllabes. Baudelaire reprend une forme canonique de la poésie française, mais joue en partie avec les règles les plus classiques de ce type de poème. Quelques éléments sur la modernité de son écriture poétique :

* Les « correspondances » est un autre aspect essentiel de l’écriture poétique de Baudelaire. Quelques explications (tout n’est pas à retenir) ici :


Aspects majeurs du poème :
* La mort à venir, accès au bonheur, mais aussi rupture avec le monde terrestre
* Évocation, élévation verticale vers un monde idéal, inverse du monde réel
* Évocation d’un amour fusionnel entre les deux amants
* Correspondances entre différentes sensations, entre le monde terrestre et le monde idéal, céleste ; liens, notamment par le langage poétique, entre des réalités différentes
* Jeu d’oppositions, réunies, liées

Analyse linéaire :
* Titre du poème :
- Forme assez classique : groupe nominal (Nom + Complément du Nom) ; emploi de l’article défini.
- Thématique a priori assez sombre (connotation de « la mort » : disparition, douleur, absence de l’être aimé).
- Complément du nom : pluriel = les deux amants sont décédés. S’agit-il de parler des circonstances de cette disparition ? La mort les a-t-elle séparés ? Ou au contraire la mort les a-t-elle réunis, comme on le dit parfois ? Ils sont en tous les cas considérés dès le titre ensemble.
- « amants » : évocation de l’amour, sentiment positif, glorifié, qui entre ici en contradiction avec la mort, événement malheureux, antinomique du bonheur que peut laisser supposer l’amour entre deux êtres.




* v. 1 :
- « Nous » : Début, et donc mise en valeur forte, sur le pronom personnel 1ère personne du pluriel « nous » : union de deux personnes, désignées par un seul et même mot. Le lecteur ne sait pas pour l’instant qui est désigné par ce pronom : forme de suspense.
Implication du poète dans son texte (rappel : dans un poème, celui qui s’exprime est désigné habituellement comme « le poète », pour le distinguer de l’auteur, même si, souvent, les deux sont identiques. Mais l’ambiguïté persiste toujours) : personnalisation de la parole ; effet de confidence personnelle.  
- Adresse directe à un interlocuteur, inconnu ici encore du lecteur. Mais le titre du poème laisse entendre qu’il s’agit d’une relation de couple.  
- « aurons » : Emploi du futur de l’indicatif : projet partagé entre le poète et son interlocutrice. Cela peut étonner si l’on se réfère au titre : en quoi des morts peuvent-ils avoir des projets ? Sont-ce des projets après la mort (dans une perspective par exemple chrétienne, il existe une vie après le mort, et qui peut être très heureuse). Donc Baudelaire faire en sorte d’intriguer son lecteur, de le prendre à contrepied.
- « lits » : écho au pronom « nous » et aux « amants » du titre : lieu de l’amour charnel ; sensualité de l’évocation. Pourquoi le pluriel ? Une vie commune longue ? Un enchaînement d’expériences sexuelles ?
Le lit est ambigu : on y est en position horizontale, comme les morts. Est-ce le lieu de la rencontre des amants, celui de la mort ? Les deux sans doute : Baudelaire unit les contraires.
- « pleins d’odeurs légères » : surprise de la 2ème partie du vers. On ne peut emplir un lit, objet très concret, d’odeurs, par essence volatiles. Cette légèreté est soulignée par l’adjectif qualificatif placé en fin de vers, le pluriel, mais aussi des sonorités (allitération en [l], accumulation de nombreux sons vocaliques). La légèreté peut faire penser à la mort, au fait de s’éloigner du monde terrestre, de l’apesanteur (souvent on pense aux âmes qui s’envolent, ou flottent). Les amants seront en harmonie avec leur environnement, légers.   
Appels aux sens : le lit suggérait le toucher entre les amants ; ici odorat " appel à l’imagination de l’interlocutrice et du lecteur basé sur les sens. Contradiction apparente puisque les sens sont liés au corps, que les morts n’ont plus. Synesthésies chez Baudelaire : association de plusieurs sens. 

* v. 2 :
- « divans profonds » : écho aux « lits » du vers précédents. Mais ici, pas de référence à la mort ; un mobilier confortable où l’on se prélasse, se repose, discute. L’adjectif « profonds » renforce cet aspect confortable, où l’on s’installe durablement. Encore le sens du toucher.
- « comme des tombeaux » : 2ème partie du vers en dissonance avec la 1ère partie, par la comparaison entre les deux noms, « divans » et « tombeaux ». Ici encore, dualité : le mobilier où l’on peut s’allonger est aussi celui du décès, de la disparition. On imagine à la fois une activité liée à la vie d’êtres humains (s’asseoir dans un divan), et la disparition de ces êtres. Vie et mort semblent se confondre, être liées. L’assonance en [on] souligne ce lien (« profonds » complète « divans » // « tombeaux »). Comme dans le vers 1, Baudelaire respecte la césure à l’hémistiche (même s’il s’agit de  vers décasyllabiques), ce qui lui permet ici de souligner l’opposition et le lien entre les deux parties du vers.
Noter que la comparaison, est comme la synesthésie, une manière de faire des liens entre des éléments différents, de relier.

* v. 3 :
- « d’étranges fleurs » : les fleurs sont le symbole de la beauté (pensez aux comparaisons de Ronsard entre la femme et la rose), de la vie, du bonheur (on en offre dans des occasions heureuses, pour faire plaisir). Mais l’adjectif qualificatif « étranges » qui précède le nom qu’il complète met le lecteur en alerte : ces fleurs ne sont pas communes. « étranges » renvoie à ce qui sort de l’ordinaire, qui s’écarte de la normalité, qui surprend. Par ailleurs, suite aussi du jeu sur les sens : la vue (fleurs = couleurs, formes) ; l’odeur (des fleurs).
- Noter que ce vers, comme le suivant, complète aussi l’adjectif « pleins » : énumération au long du quatrain de tout ce que le poète évoque, de ce dont il rêve pour sa compagne. Le lecteur peut s’imaginer un décor (exemple ici : complément circonstanciel de lieu « sur des étagères »), par ces éléments descriptifs divers : volonté de plonger le lecteur dans un univers évocateur, d’emmener le lecteur, par l’imagination, dans ce monde particulier.
- « étranges » / « étagères » : jeu sur les sonorités é/t/r/g : paronomase (rapprochement de mots aux sonorités proches, mais aux sens différents). Encore une manière de créer des liens, entre des éléments différents.
- Lien entre ce vers et le vers 2 par la conjonction de coordination « et » qui souligne (au début du vers en plus) l’addition d’un nouvel élément

* v. 4 :
- « écloses » : fleurs vivantes, et qui s’ouvrent = généreuses, accueillantes, comme les divans. Elles montrent leur intériorité. Lien avec le vers précédent, puisque l’adjectif complète le nom « fleurs ». Dans la mort, ces fleurs seront synonymes de vie : ce poème fait se rejoindre les contraires. La mort n’est pas la disparition de tout.
- « pour nous » : retour de ce pronom utilisé au vers 1. La nature s’offre pour les amants, est en harmonie avec eux, agit pour eux. Lien, harmonie entre l’environnement et les amants, dans ce monde évoqué par le poète.
- « sous des cieux plus beaux » : le ciel rappelle la légèreté du vers 1, rappelle aussi le monde après la mort (situé pour certains dans un au-delà aérien). Le pluriel renforce cette évasion hors de la terre, hors de cette pesanteur de la vie terrestre. La mort est ici vue comme un état heureux, une évasion. Le comparatif « plus beaux » souligne l’aspect idéal de cet univers rêvé, mais aussi une comparaison entre le lieu où les amants vivent au moment où le poète s’exprime et le futur souhaité et anticipé.
NB. La beauté chez Baudelaire = une recherche permanente, par l’art, qui peut transformer la boue en or, le laid en beau ; par l’image de la femme qui incarne la beauté. La beauté est un idéal, rêvé mais difficile à atteindre. La définition n’en est pas très aisée chez lui. Un complément ci-dessous :
Et lire sur cette page déjà citée plus haut ce qui se réfère à l’Idéal, aux idées de Platon, aux correspondances, pour comprendre notamment cette volonté d’élévation verticale :

* v. 5 :
- Début du 2ème quatrain sur une 2ème phrase, et avec un petit effet d’attente par l’interlocutrice et le lecteur, par l’emploi de la proposition participiale qui occupe tout ce vers 5 (attente de la proposition principale qui apparaît au vers 6).
- « usant » : sens d’une utilisation répétée, mais aussi d’une usure, d’une baisse de qualité. L’adjectif « dernières » renforce l’idée d’une vitalité qui décroît. Les amants sont-ils proches de leur mort ? Ceci expliquerait pourquoi le poète évoque la mort, mais veut la présenter non comme une rupture, mais comme une continuité, mieux comme la possibilité de vivre plus heureux, de trouver le bonheur parfait.
- « leurs » : rappel de cette union des amants dans le déterminant possessif.
- « chaleurs » : la vie est désignée ici par ce qu’elle produit sur le corps, la chaleur. On pense aussi à la chaleur des sentiments, de l’amour. « à l’envi » insiste sur la vitalité (noter que les sonorités du mot « vie » se font entendre dans ce mot « envi ») des amants dans leur vie commune présente : ils profitent des moments vécus ensemble. Donc le bonheur parfait attendu dans l’au-delà n’empêche pas une forme de bonheur présente.

* v. 6 :
- « Nos deux cœurs » : suite de l’évocation par le poète de son interlocutrice et de lui-même ensemble, comme un couple uni. L’emploi du nom « cœurs » renvoie bien entendu à leur amour : c’est une métonymie, qui les désigne tout entier par une partie d’eux-mêmes qui semble les résumer. Le fait d’ajouter « deux » insiste encore sur le couple. Ce thème de la dualité est répété dans l’ensemble de ce quatrain : « deux vastes flambeaux », « doubles lumières », « deux esprits », « miroirs jumeaux ». Ils sont deux, mais unis en permanence. Leur union est parfaite.
- « seront » : emploi de nouveau, comme au vers 1, du futur de l’indicatif. Suite de l’évocation rêvée du poète. L’indicatif semble indiquer une forme de certitude de cet avenir par le poète : le rêve devient en quelque sorte réel. Le verbe « être » permet d’installer une métaphore qui transforme les cœurs des amants : la parole du poète permet aussi de devenir autre.
- « deux vastes flambeaux » : suite de l’image de la chaleur du vers précédent. La lumière est le symbole de la vie. C’est aussi, puisque les flambeaux apparaissent dans le même vers que « cœurs » une évocation de l’amour-passion qui unit les deux amants. Le poète dit tout son amour pour l’être aimée à qui il s’adresse. L’adjectif « vastes » renvoie peut-être encore une fois à l’espace, au fait de s’extraire de la surface terrestre où l’être humain est cloisonné dans des espaces réduits.

* v. 7 :
- Suite de la phrase de ce quatrain, par une proposition subordonnée relative qui vient compléter les « flambeaux » du vers 6. Lien encore une fois entre les vers, écho au lien qui unit les deux amants.   
- « réfléchiront » : nouvel emploi du futur de l’indicatif = suite du rêve. Suite de la thématique de la chaleur et de la lumière des vers 5 et 6, accentué par l’emploi à l’autre bout du vers du nom « lumières ». Le verbe « réfléchir » développe aussi le thème du double ; il évoque le miroir qui sera cité au vers 8. Lien entre les deux amants, qui ne sont qu’un, ne font qu’un : ils se reflètent l’un dans l’autre, sont identiques. L’amour, et la mort les rapprochent au point de fusionner, de ne faire plus qu’un, de se comprendre complètement : l’altérité est dépassée.
- La lumière des flambeaux est légère, peu palpable : cela peut faire penser au fait que les amants, dans la mort, seront détachés des contingences de leur corps, ne seront plus que des êtres diaphanes.

* v. 8 :
- Parallèle entre « nos deux cœurs » (v. 6) et « nos deux esprits » : passage des sentiments à un aspect plus spirituel, intellectuel. Disparition du corps, de ce qui les retient à leur vie terrestre. Les amants ne sont pas unis seulement par des sentiments (l’amour), mais ils le sont aussi par leur intellect, par leur raison. Ils sont donc profondément unis. Noter toujours l’emploi du déterminant possessif de la 1ère personne du pluriel qui réunit aussi les deux amants. Les « jumeaux » se comprennent, dit-on, sans se parler, de manière quasi magique, parfaite : ils sont deux parties d’un tout. Encore une fois, le poète évoque cette fusion de lui-même et de la femme qu’il aime et à qui il s’adresse.
- Le miroir complète donc le verbe « réfléchir » employé au vers 7. L’image renvoyée  par un miroir n’est plus la réalité, elle n’en est que le reflet. Les amants perdent encore ici une part de leur réalité concrète, terrestre. Ils semblent presque disparaître.

* v. 9 :
- « Un soir » : Dans les quatrains, le futur n’était pas évoqué de manière très précise. Il semblait presque éternel, immuable. Ici, l’emploi du nom « soir » évoque un moment particulier d’une journée. De plus, l’article indéfini pointe un moment du temps particulier. De nouveau, le poème est ambigu : après la mort, la réalité est autre que celle vécue sur terre, mais il reste des points communs. Ainsi, on a vu que le poète évoquait les sens de la vue, de l’odorat ou du toucher, possibles quand on possède un corps, et non quand on est devenu un esprit. Ici, le temps n’est pas suspendu, il se définit comme à la surface de la terre, en jours et nuits. Il s’écoule selon le quotidien de la Terre.
Le soir est le symbole de la fin qui approche : fin de la vie ? fin de l’amour ? Les couleurs évoquées (rose et bleu) pourraient être celles d’un coucher de soleil.
Noter la mise en valeur du complément circonstanciel de temps, qui occupe tout ce vers 9 : en tête de phrase, en tête de strophe.
- « fait de rose et de bleu mystique » : Opposés au caractère concret du « soir » (et même au verbe « faire », qui évoque une fabrication), le terme « mystique », et l’évocation des couleurs sans leurs supports (qu’est-ce qui est rose ou bleu ?). Le monde rêvé est surnaturel, impalpable, de l’ordre du symbole, des idées. Il est un idéal. Le poème évolue : dans le 1er quatrain, la description était bien plus précise : on a l’impression ici d’évoluer vers des images plus floues, moins définies. L’évocation des « esprits » dans le vers 8 préparait cette évolution.     

* v. 10 :
- « Nous échangerons » : emploi du pronom de la 1ère personne du pluriel + verbe « échanger » = encore une fois, mise en évidence de la relation étroite qui unit les deux amants. Comme la lumière qui était réfléchie, renvoyée, le mouvement ici est celui de chacun des amants vers l’autre. Emploi du futur de l’indicatif : suite de ce rêve, de ce projet.
- « Nous » & « unique » : à chaque extrémité du vers, les deux mots se répondent. On passe de la dualité à l’unicité = fusion des deux amants en un seul élément. Ils ne font plus qu’un. Évolution depuis les « doubles lumières » auxquelles l’éclair renvoie : là aussi, passage du double à l’unicité. Le poème progresse vers la fusion des deux amants en un être unique.
- « un éclair » : L’éclair fait penser aussi à la chaleur évoquée plus haut dans le poème, au coup de foudre. L’amour, les sentiments forts qui relient les deux amants sont ainsi encore développés. Par ailleurs, l’éclair est ce qui relie le ciel et la terre. Les deux amants vont mourir ; ils sont encore sur terre mais vont rejoindre un monde aérien, céleste. Le présent et le futur envisagé sont mis en relation. L’éclair peut aussi être la colère divine, l’instrument de la punition divine (pensons à Zeus, dans la mythologie grecque).

* v. 11 :
- « Comme » : 2ème comparaison du poème = toujours cette volonté de mettre en lien. Comparaison entre l’éclair et le sanglot, entre ce qui est visible et ce qui s’entend : encore une synesthésie.
- « un long sanglot » : l’unicité continue, les deux amants pleurent ensemble, à l’unisson. Expression d’une profonde tristesse, qui tranche avec ce qui a précédé, où, même si la mort était évoquée, le bonheur, l’amour étaient mis en avant. L’adjectif « long » insiste sur la profondeur de la tristesse des deux amants.
- « tout chargé d’adieux » : Suite de la tristesse évoquée par le « sanglot » : groupe grammatical qui complète ce nom. « chargé » rappelle la lourdeur, qui s’oppose ainsi à la légèreté évoquée précédemment. Le pluriel des « adieux » renforce encore la douleur de la séparation, définitive a priori. Ce que l’on pouvait penser de l’éclair, au vu de la réunion des deux amants imaginée pour après leur mort, est contredit ici. La mort va-t-elle finalement séparer les deux amants ? Ou s’agit-il de la séparation du monde des vivants, du monde terrestre, qui n’est pas si aisé à vivre, contrairement à ce que tout le début du poème semblait laisser entendre ? Le rêve n’était peut-être qu’un rêve, un souhait, une illusion, mais le poète est rattrapé par la réalité, moins heureuse.

* v. 12 :
- « un Ange » : les références religieuses implicites déjà présentes précédemment (idée d’une vie après la mort ; « mystique ») se précisent ici, en évoquant la figure de l’ange, au service de Dieu. L’ange est porteur de pureté, possède une âme divine. Image positive ici, par conséquent. L’Ange ouvre les portes du paradis chrétien : est-ce le cas ici ? Dans tous les cas, l’évocation de toute la 1ère partie du poème était celle d’un lieu de bonheur, de plénitude, ce qu’est le Paradis présenté dans la religion chrétienne. 
- « Et plus tard » : le récit se poursuit, lien avec ce qui précède par la conjonction de coordination en tête de tercet. Complément circonstanciel de temps : le poète raconte aussi une histoire, future, imaginée, à sa compagne. Donc il nous la raconte à nous aussi, lecteurs.
- « entr’ouvrant les portes » : Ouverture vers un nouveau monde : la mort n’est donc pas qu’une séparation définitive (cf. vers 11). Image des portes = lieux de passage entre deux lieux, deux espaces, deux univers. Puisque l’ouverture ne se fait pas immédiatement de manière complète (l’Ange entr’ouvre), on peut imaginer que ce passage n’est pas si aisé, qu’il est étroit, et soumis à l’approbation du gardien, l’Ange. Les amants semblent, dans ces derniers vers, en route vers l’au-delà : éclair divin = mort ? « adieux » à la terre ? passage, par le changement de tercet, au monde divin, où un Ange ouvre les portes de l’au-delà ? 

* v. 13 :
- « viendra » : De nouveau emploi du futur : tout le poème reste de l’ordre de ce que le poète imagine pour lui et celle à qui il s’adresse. L’enjambement laisse attendre l’ange, son mouvement : la vie après la mort ne sera pas immédiate. La mort sera présente pendant un certain temps.
- « ranimer » : mot dont l’étymologie est « anima », mot latin désignant l’âme, principe de vie de l’être humain. Le verbe évoque donc le retour de la vie dans cet au-delà rêvé, ce retour de la vie signifiant que les deux amants retrouveront leur capacité à réfléchir et à ressentir. Il s’agit d’une résurrection réelle. Le préfixe du verbe (r = re) insiste sur la mort qui a passé entre temps.
- « fidèle et joyeux » : retour de la joie, du bonheur, évoqué dans toute la 1ère partie du poème. La tristesse n’est donc que passagère, au moment de la mort terrestre. Sa joie représente celle de ce monde nouveau, idéal.

* v. 14 :
- Rappel du 2ème quatrain, avec les miroirs et les flammes = insistance sur la vie qui revient : la flamme est souvent symbole de la vie : exemple du cierge dans la religion chrétienne, ou de la bougie qu’on éteint pour évoquer la mort d’une personne ; les miroirs représentent sans doute l’amour mutuel des amants, le fait qu’ils se reflètent l’un l’autre, sont deux et un à la fois.
- Opposition entre les noms, repris du quatrain 2, et les adjectifs qualificatifs épithètes qui les complètent : « miroirs » (lumière, reflet, brillance) « ternis » (obscurité, sombre, qui ne remplit plus sa fonction de refléter) ; « flammes » (vie, chaleur) « mortes » (une flamme éteinte = la mort). La vie est plus forte que la mort. L’amour entre les deux amants va leur permettre de passer ce cap de la mort, et de se retrouver dans un au-delà. Leur amour est plus fort que la mort. Le poème s’achève donc sur une note positive.

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