jeudi 1 octobre 2020

Lecture analytique linéaire : lettre 99 des Lettres persanes de Montesquieu



Afin de lier les différentes analyses au fil de l’étude linéaire, voici des caractéristiques importantes de ce texte :


- Rica offre un regard décalé :

- un regard étranger (tout ce qui se rapporte à la fiction de la lettre, au personnage qui vient d’ailleurs)

- un regard amusé et qui cherche à amuser : traits d’humour de Rica, exagérations, absurdités


- Rica dénonce l’inconstance de la mode à Paris :

- rapidité des changements : références au temps ; oppositions fortes

- absurdités des exemples

- attention forte à l’apparence extérieure de la part des Françaises


- Rica dénonce le pouvoir excessif du roi de France et la soumission des Français :

- un roi aux pouvoirs immenses sur l’ensemble de son peuple, et versatile dans l’exercice de son autorité

- soumission absolue des Français à leur roi

- lien entre la soumission des Français(es) à la mode et à ses changements, et celle au roi


Par ailleurs, toujours pour lier les différentes remarques entre elles, il est important de tenir compte des différentes étapes du texte :


- l. 1-6 : présentation du sujet de la lettre (la mode), de sa caractéristique essentielle, la rapidité incessante du changement


- l. 7-20 : suite d’exemples, de cas concrets, qui précisent cette rapidité de changement, jusqu’à l’absurde, et montre aussi le comportement des Français(es) face au phénomène de la mode


- l. 21-25 : nouveau thème, nouvelle critique, celle du pouvoir du roi et de la soumission des Français, mais liés à ce qui a précédé dans le texte


Analyse linéaire :

Partie 1 (l. 1-6 : les deux premiers paragraphes) :


* Toutes les apparences d’une lettre :

- rédacteur et destinataire indiqués en début de lettre, lieu où se trouve le destinataire ;

- lieu où se trouve le locuteur (bas de lettre) ;

- date de rédaction de la lettre (bas de lettre) ;

- présence des 1ère et 2è personnes du singulier dans la lettre (= conversation à distance) ;

- vocabulaire épistolaire : « ma lettre » l. 6 + verbe « recevoir » à cette même ligne.


* Un voyageur étranger à Paris :

- date donnée dans le calendrier lunaire, usant de termes arabes (fin du texte) ;

- nécessité d’écrire au loin, « à Venise » (donc il n’est pas chez lui) ;

- évocation indirecte de l’objectif de cette lettre (l. 4, « description exacte », complété par « mon ouvrage » l. 5, qui suppose que cette lettre, comme d’autres, demande du temps et des efforts à Rica : il ne s’agit pas d’une lettre d’agrément, légère, mais d’une lettre qui offre une réflexion personnelle) ;

- désignation de la population française à la 3è personne, où le locuteur ne s’inclut pas (« chez les Français », mis en valeur dès la 1ère phrase, entre virgules ; « les Français » l. 20 ; « ils » répété ; « leurs ouvriers » = déterminant possessif ; « cette changeante nation » l. 19 avec usage d’un déterminant démonstratif).

- La mise en évidence dans la 1ère phrase de l’adjectif « étonnants » (il est placé en fin de phrase, après un complément circonstanciel entre parenthèses (chez les Français ») vise à souligner ce regard neuf de Rica : son étonnement s’explique par le fait qu’il n’est pas Français, pas habitué à cette habitude vestimentaire française. C’est aussi une manière pour Montesquieu de permettre au lecteur de son roman de renouveler son regard, de s’étonner de ce qui paraît normal car habituel. L’étranger remet en question ce qui est normal pour le Français qui ne s’est jamais demandé si ce type de comportement était pertinent.


* Des marques de son implication : Rica offre ici un avis personnel :

- verbes de jugement + usage de la 1ère personne du singulier : « je trouve » dès le début de la lettre ; verbe « croire » répété = expression de ses émotions face à ce qu’il découvre, et de son incompréhension, de son grand étonnement (l. 3, 14)

- Noter que la 1ère phrase du texte annonce d’emblée et clairement le sujet de la lettre, par l’emploi du groupe nominal « les caprices de la mode » et son adjectif « étonnants » (l. 1).

- Le choix du mot « caprices » est éloquent : les Français ne réfléchissent pas, changent d’avis sans cesse, et sans raison, ce que ce terme suggère. Les Français sont ainsi rabaissés au niveau d’enfants qui ne sont pas matures.


* Rapidité des changements de mode évoqués par de multiples références au passage du temps :

- « cet été » / « cet hiver » l. 2 : parallèle entre les deux saisons, dans la même phrase (seul un point-vigule signale le passage d’une saison à une autre), par l’emploi de deux verbes au pluriel synonymes (« ont oublié » & « ignorent »), la reprise pronominale « le » (l. 2) pour désigner les habits cités précédemment dans la phrase (« ils étaient habillés »), et les deux saisons placées chacune en fin de groupe grammatical. Opposition entre le plus-que-parfait « étaient habillés » et le futur simple « seront » = marque du changement, du passage du temps.

Ce parallèle vise à mettre en valeur le fait que l’attitude des Français est toujours la même, mais aussi à accentuer jusqu’à l’absurde le changement : s’ils ne se souviennent pas de leurs habits 5-6 mois avant, c’est que la mode n’a cessé de changer… mais est-ce vraiment crédible ? Le lecteur ne peut que sourire devant cette exagération.

- « une mode nouvelle » (l. 5) rappelle l’invention permanente de nouveaux habits, de nouvelles manières de paraître.

- la proposition subordonnée circonstancielle de temps « avant que tu n’eusses reçu ma lettre » (l. 6), placée avant la proposition principale « tout serait changé » laisse attendre cette dernière, et met aussi en avant cette accélération du temps contenue dans la subordonnée. La radicalité du changement est soulignée par l’emploi du pronom « tout » qui précède le verbe « serait changé ».

- on peut imaginer que le temps de transport d’une lettre de Paris à Venise à l’époque était de quelques semaines : le fait que Rica choisisse de ne pas décrire la mode sous ses yeux au moment de la rédaction de la lettre laisse entendre que la mode change vite. Le choix des verbes au conditionnel (« servirait » l. 4, « viendrait » l. 5, « serait changé » l. 6) ou au mode subjonctif (« eusses reçu » l. 6) renforce l’idée que ce travail de description pour que Rhédi connaisse mieux la mode parisienne ne servirait à rien : ces deux modes verbaux sont ceux de l’expression de l’incertitude, de ce qui peut être envisage mais qui n’existe pas. Ici c’est ce travail de description qui ne se fera pas. Le fait également d’utiliser une phrase interrogative (question rhétorique) l. 4-5 est encore une manière de montrer que les changements incessants et rapides ruinent toute idée de faire un panorama de la mode à Paris.


* Autre argument critique contre les changements de la mode : le coût :

- Rica le met en évidence par le connecteur logique « mais » accentué par l’adverbe « surtout » (l. 2-3) (placés en tête de dernière phrase du 1er paragraphe, pour faire le lien avec la phrase précédente), qui exprime une gradation dans sa critique : les Français changent tellement de mode qu’ils oublient vite la précédente, mais il y a pire, le coût.

- la négation qui entoure le verbe « croire » et le fait que ce verbe est précédé du conditionnel « saurait » indique que Rica insiste sur le fait que le prix de ces changements de mode est impossible à admettre, est très étonnant, notamment pour lui, mais aussi pour un grand nombre de personnes, ce que le choix du pronom personnel indéfini « on » (l. 3) indique.


Partie 2 (l. 7-20 : les 3ème et 4ème paragraphes) :


Rica évoquait les Français de manière générale dans les deux premiers paragraphes. Il passe désormais à des exemples précis, plus ciblés. Le but est à la fois d’illustrer son propos, de donner des cas concrets, que le lecteur peut imaginer, qui vont frapper son esprit, et de prouver que ce qu’il affirme est vrai, d’asseoir son argumentation.


* Rapidité des changements de mode évoqués de nouveau par de multiples références au passage du temps (paragraphe l. 6-10) :

- « six mois » = « trente ans » l. 7-8 = accélération du déroulement du temps : en effet l’emploi du comparatif d’égalité « aussi que » rapproche les deux durées qui deviennent ainsi égales, ce qui n’est pas crédible. Par ailleurs, l’adjectif « antique » accentue grandement l’accélération du temps puisque ce n’est plus 30 ans auxquels il est fait référence mais plusieurs siècles (retour sur la période de l’Antiquité).


* 1er exemple absurde (l. 4-6) :

- on passe bien des généralités des deux 1ers paragraphes à un exemple concret (même s’il n’est pas daté, situé, et que les protagonistes ne sont pas nommés, ce qui permet de garder quand même une forme d’universalité) : emploi de l’article indéfini « une » (l. 7), du pronom « elle » (l. 8, 9), des GN « le fils » et « sa mère » (l. 8). Une durée précise est aussi indiquée (« six mois »).

- actions trop exagérées pour pouvoir être crédibles : l’équivalence entre « six mois » et « trente ans » (voir ci-avant) ; « le fils méconnaît le portrait de sa mère » + il croit que c’est « quelque Américaine » (l. 8-9) : difficile de penser qu’un fils ne reconnaîtra pas sa mère, même si celle-ci a changé de robe ou de coiffure. Pourtant le choix du présent de l’indicatif pour les verbes de ce paragraphe donne une forme de vérité, d’intangibilité à ces affirmations : ceci se produit vraiment selon Rica. Les termes « étranger » et « Américaine » se complètent, se renforcent l’un l’autre : ils montrent combien il est difficile pour le fils de reconnaître sa mère, qui est ici comparée à un personnage venu d’ailleurs, de loin, d’une culture autre, où les habits, les parures, les coiffures, peuvent être très différents de celle de son propre pays. Mais ici, il s’agit d’une femme appartenant à sa propre culture, puisque c’est sa mère.

Objectif ici encore : accentuer l’ampleur des changements de mode, dans un laps de temps très court. A noter que l’incertitude du fils face au portrait de sa mère est aussi accentuée par l’emploi du déterminant indéfini « quelque » au singulier.


* Critique de l’importance de l’apparence chez les Françaises :

- le vocabulaire pictural (« portrait », « peinte », « représentée », « peintre ») évoque l’art de la peinture, qui nécessite le regard, la vue. La mère est réduite à une représentation. Les Français aisés se faisaient peindre afin de décorer leur intérieur, ou d’offrir leur portrait. Ces portraits étaient des mises en scène des personnes représentées, et non un reflet fidèle de leur identité. Ici, c’est sans doute aussi ce que Rica veut souligner : les femmes françaises sont très soucieuses de l’apparence qu’elles donnent. Elles se doivent de respecter chaque nouvelle mode, sous peine d’être raillées. Le fait de terminer la phrase et le paragraphe par le terme de « fantaisies » rappelle celui de « caprices » : les choix vestimentaires, de coiffures, etc. ne sont que des habitudes peu sensées.


* Rapidité des changements de mode évoqués de nouveau par de multiples références au passage du temps (paragraphe l. 11-20) :

- « quelquefois » l. 11 / « tout à coup » l. 12 ; « un temps » l. 12 / « dans un autre » l. 13 ; « souvent » l. 15 ; « quelquefois » l. 17 / « le lendemain » l. 18 ; « autrefois » / aujourd’hui » l. 18.

Noter que ces adverbes de temps, connecteurs temporels, fonctionnent souvent par deux pour marquer des changements brusques, une évolution rapide.


* Encore de nombreux termes évoquant le changement (mots de la même famille que le verbe « changer » le plus souvent) : « ce changement » l. 16 ; « changeante nation » l. 19 qui élargit déjà, avant même le dernier paragraphe les modifications à l’ensemble de la population, de ses habitudes de vie et pas seulement la mode ; « changent » l. 21.

La multiplication des termes est un moyen pour Rica de critiquer.


* Nombreuses oppositions, rapprochées, qui évoquent deux situations inverses et qui soulignent que rien n’est stable :

- « montent » / « descendre » l. 11 : mouvements inverses.

- « visage d’une femme au milieu d’elle-même » / « les pieds… cette place » l. 12-13 : deux extrémités du corps humain, inversion.

- « hausser » / « baisser » l. 15 : juxtaposition de deux actes opposés = enchaînement rapide des adaptations des bâtiments à la mode changeante.

- « quantité prodigieuse de mouches » / « disparaissent » l. 17 : opposition de deux apparences du visage féminin.

- « avaient de la taille et des dents » / « n’en est pas question » l. 17-18 : opposition entre une affirmation et une négation.

Rica suggère ainsi que les Françaises sont versatiles, ne savent pas ce qu’elles veulent puisqu’elles changent du tout au tout sans cesse.


* Autres exemples absurdes (= apparence d’absence de sens, parce que présence d’une contradiction dans une même situation) :

- impossibilités physiques : le visage au milieu du corps ou les pieds au milieu du corps (l. 12-14)

- transformations des maisons en fonction des coiffures et des chaussures à talons (l. 14-16)

- rapidité trop foudroyante des changements : les mouches à la mode un jour et qui disparaissent « le lendemain » (l. 18)

Le choix du présent de l’indicatif du passé composé ou de l’imparfait de l’indicatif, dans l’ensemble du paragraphe, associés aux termes temporels (voir plus haut), donne ici encore une apparence de vérité à ce qui est rapporté, comme si Rica rapportait ce qu’il a vu, vécu : le témoignage personnel direct permet aussi cela. Cet aspect de vérité tranche avec l’absurdité des situations présentées, ce qui met en avant la critique de Montesquieu : ces comportements sont idiots.


* Des Françaises attachées uniquement à leur apparence extérieure :

Elles sont donc futiles. La mode est le signe visible de ce trait de caractère de ces femmes.

- les termes « habillement » et « parures » s’enchaînaient lignes 4-5, pour mieux définir la mode, mais aussi pour rappeler qu’il ne s’agit ici d’évoquer que l’apparence extérieure. D’autres éléments renvoient aussi à ce qui permettait à une femme de paraître : les coiffures, les pieds = les chaussures (cf . « les talons »), les mouches = signe d’élégance à la Cour, la taille ou large ou mince.

- les parties du corps évoquées ensuite montrent ce que chacun peut voir (et non le caractère, l’intériorité) : « coiffures », « visage », « pieds », « taille », « dents ».

- le regard (donc celui des uns sur les autres) est ici rappelé : « voit » (l. 17), qui rappelle d’autres verbes précédents : « méconnaît » (l. 8), « paraît » (l. 9), « est représentée » (l. 10).


* La mode est un esclavage, un asservissement :

- Les éléments qui composent l’apparence des femmes semblent dotés d’une vie propre, comme s’ils agissaient seuls, sans être guidés par la volonté de celles qui les portent : « les coiffures », « une révolution », « leur hauteur immense », « les talons », « les parures des femmes », « elles » (l. 17) sont tous sujets des verbes qui les suivent. Ils sont donc acteurs de ce qui se déroule. Leur autorité est d’ailleurs signalée par le verbe « exigeaient » (l. 16), comme par ceux-ci « ont été obligés » ; « ont été asservies » : le choix de la voix passive montre que les architectes subissent la loi de la mode. Le verbe « asservir » suggère une soumission totale (il est formé sur « servir » qui vient de « servus » en latin, qui signifiait « esclave »).


Partie 3 (l. 21-25 : dernier paragraphe) :


* Transition entre les deux critiques :

- Noter la manière dont la transition s’opère entre la critique de la mode et celle du souverain : changement de paragraphe, mais comparaison (« comme » l. 21). « changent » (l. 21) fait écho à l’adjectif « changeante » (l. 19), car ce sont des mots de la même famille : le bilan du paragraphe précédent et le début de celui-ci sont aussi liés ainsi.

- Ainsi, critique forte de toute la population française par le biais de l’expression qui clôt le long 4ème paragraphe : « changeante nation » (l. 19). On est passé des femmes françaises à une généralisation, une globalisation, celle de tous les Français. Cela prépare aussi le dernier paragraphe qui évoque la soumission de toute la population au roi.

- Manière de généraliser aussi par le fait de mettre en parallèle les « manières et la façon de vivre » (expression au sens large, que le pluriel et la synonymie des deux noms accentuent) avec les « modes » dont il a été question auparavant. Les deux points (l. 21) annoncent comme toujours une explication, une précision. Le terme de « mœurs » renvoie clairement aux « manières » et « façon de vivre », donc toujours à tout ce qui définit la culture française, l’art de vivre à la française : il ne s’agit plus d’évoquer seulement la mode.

- La fin de la phrase nomme le nouveau thème : « leur roi ».

- La préposition « selon » montre que les changements dont il a été question longuement avant dans le texte s’expliquent aussi par la personne du roi, ou du moins la versatilité du peuple se retrouve également dans celle de leur souverain.

- Cela annonce une critique négative du roi, puisque la mode a été fortement critiquée précédemment.

* Soumission des Français au roi :

- Deux dernières phrases du texte : le roi est sujet des verbes (voix active) : il agit sur la population.

- Le verbe « imprime » (l. 23) laisse entendre une action presque physique, comme les lettres se gravent sur une page blanche. L’image du sculpteur apparaît à la fin, grâce aux expressions « moule » et « donne la forme » (l. 24), qui rappelle le mythe de Pygmalion. Le roi donne vie à ses créatures qui sont ses sujets.

- Structure des phrases pour souligner le pouvoir du roi : la reprise en cascade (figure de style : une anadiplose), pour descendre du roi vers les « provinces », permet de montrer qu’il gouverne tout et tous. Ensuite, cela détaille et donc insiste sur le fait que son pouvoir s’impose aux Grands du royaume comme aux plus humbles, à Paris la Cour, la Ville (noter la majuscule qui désigne sans doute Paris, mais aussi toutes les grandes villes), comme aux confins du royaume (« Ville » / « provinces »). La phrase lignes 24-25, par le fait qu’elle place en proposition subordonnée relative « toutes les autres » (sous-entendu : âmes) qui complète le nom « moule », lui-même définissant le roi (son « âme »), met en évidence la souveraineté du roi sur les esprits de l’ensemble de la population.


* Parallèle : le roi, comme les femmes françaises, est versatile et superficiel :

- il apparaît dans l’expression « selon l’âge de leur roi » (l. 22) : il se définit d’abord par le fait qu’il vieillit, qu’il est soumis au passage du temps.

- puisque dans le dernier paragraphe, il est dit que l’ensemble de la nation ressemble au roi, cela signifie que l’absence de stabilité des Français est à l’image de leur souverain. Il n’est donc pas stable non plus dans ses choix et dans ses habitudes.

- le manque de capacité à s’affirmer est aussi une caractéristique du roi, qui, pourtant, détient tous les pouvoirs. Après avoir été nommé en fin de phrase ligne 22, il est de nouveau mis en avant en début de phrase suivante (« Le Monarque »), la majuscule soulignant sa haute fonction. Mais le verbe au conditionnel (« pourrait »), verbe qui interroge la capacité à faire, à agir (verbe « pouvoir »), et la proposition subordonnée circonstancielle de condition, met en cause de manière sévère sa capacité à agir. Le conditionnel est le mode de l’improbable, de l’hypothèse, comme la subordonnée de condition souligne que ce n’est pas la réalité, mais une situation seulement rêvée. Noter qu’au milieu de cette phrase apparaît l’expression « Nation grave » (= sérieuse, réfléchie), mais celle-ci n’existe pas puisque soumise au verbe au conditionnel. Les verbes d’action « rendre » et « entreprendre » sont niés par la structure de la phrase et le mode verbal employé. Le roi n’agit pas pour que le pays soit plus sérieux, mieux géré, progresse.


Conclusion :

* Montesquieu use du stratagème du regard de l’étranger pour s’attaquer en apparence à une habitude légère, la mode. Mais les véritables sujets qu’il aborde ainsi sont une satire de la société française, qui change sans cesse, qui ne sait pas ce qu’elle veut. Puis il va plus loin, en mettant en accusation le roi de France, responsable de cette situation, dont il peut être tenu pour responsable.

* Les comparaisons dans le texte permettent des glissements d’un sujet à un autre, et donc une critique acerbe, mais masquée derrière le paravent d’un regard étranger et d’une critique sociale apparemment peu dangereuse. C’est son moyen de lutter contre la censure.


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